Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Persuadé lui-même de la toute puissance des lois, le législateur légifère pour remédier aux maux visibles dont lui demeurent cachées les causes. Il légifère sans trêve, tout étonné de voir les lois votées rester inefficaces ou produire des effets contraires à ceux espérés. Il s’irrite alors, légifère de nouveau, interpelle les ministres, nomme des commissions pour surveiller l’exécution des décrets, et intervient inlassablement dans tous les rouages de l’administration. C’est ainsi que le régime parlementaire tend chez nous à se transformer en un régime qui rappelle celui de la Convention. À peine sortis du despotisme, les peuples latins y reviennent toujours. Le despotisme collectif remplace progressivement chez eux le despotisme individuel. Tout fait croire qu’il sera aussi tyrannique.

Notre histoire est remplie des conséquences désastreuses de lois promulguées dans les meilleures intentions. La République de 1848 crut faire œuvre bienfaisante en édictant de nombreuses lois ouvrières et en créant des ateliers nationaux pour donner du travail à tous les citoyens. Quand les nécessités économiques, qui dominent de très haut les volontés du législateur, obligèrent à fermer ces ateliers, il en résulta une révolution et d’épouvantables massacres. La conséquence finale fut le rétablissement de l’Empire et ses suites, y compris Sedan et l’invasion.

Elle est très funeste, la race des philanthropes. Sous leur impulsion, s’édictent les lois dites humanitaires, dont les effets sont si souvent désastreux.

Les mesures législatives ayant produit un résultat contraire à celui qu’elles se proposaient d’atteindre sont innombrables. C’est ainsi, par exemple, que les lois sur les primes à la navigation ont été une des causes actives de la lamentable décadence de notre marine marchande.

Nous le montrerons bientôt.

C’est ainsi encore, qu’en vertu du principe de la puissance souveraine attribuée aux lois, nous prétendons imposer nos institutions à tous les peuples conquis par nous, sans comprendre qu’une telle méthode devait bientôt déterminer la ruine de nos colonies.

Le dogme latin du pouvoir transformateur des décrets conduit, sous la pression des mobiles volontés du peuple, à voter les lois les plus violentes sans se préoccuper de leur injustice.

Après avoir fait miroiter aux yeux des classes ouvrières