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lettres sont caractéristiques sur ce point. « Ce sont, écrivait-il, les faits qui parlent. C’est la direction de l’esprit public qui entraîne… Je n’ai jamais été mon maître. J’ai toujours été gouverné par les circonstances. »

La puissance, comme aussi la mobilité de ces mouvements populaires, se révèle à chaque page de notre histoire. Ils sont nombreux dans un seul siècle. L’Épopée impériale, la Restauration monarchique, le romantisme, le second Empire, l’aventure boulangiste, etc., en donnent autant d’exemples. Le Prince de Machiavel s’appelle aujourd’hui la multitude. Son pouvoir devient formidable dès que toutes les volontés s’orientent dans une seule direction. Une telle orientation ne dure d’ailleurs jamais longtemps et l’homme d’État doit le savoir encore.

Les courants populaires d’une époque sont souvent mal saisis par les hommes de cette époque. Au début de la Révolution, personne ne prévoyait l’avenir terrible qui se préparait. On l’a dit avec raison : pendant que le navire sombrait, les passagers se congratulaient du naufrage. Madame de Genlis menait les princes d’Orléans, dont elle était gouvernante, voir la démolition de la Bastille. La noblesse regardait tout ce mouvement avec autant de sympathie que notre aveugle bourgeoisie a contemplé la première grève des postiers. Alors, comme aujourd’hui, personne ne comprenait que les phénomènes psychologiques ont un enchaînement nécessaire et que chacun d’eux devient cause à son tour. Toutes ces causes accumulées dans le même sens produisent, comme en mécanique, une accélération fatale.


Nous voyons à quel point est difficile la tâche actuelle des chefs qui veulent sagement gouverner. Elle l’est d’autant plus qu’ayant une mentalité différente de la foule et obéissant à d’autres mobiles, ils ne savent pas toujours la comprendre et lui parler.

On ne connaît bien les hommes d’une classe que si l’on appartient à cette classe. C’est pourquoi les meneurs de la Confédération Générale du Travail, sortis des couches populaires, se font si parfaitement obéir. Des grands principes, des belles théories humanitaires, ils n’ont nul souci, sachant bien que les foules ne s’en préoccupent pas davantage. Inaccessibles à tout raisonnement elles acceptent sans discussion des croyances condensées en formules