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laisée en politique que dans une science quelconque, la physique ou l’astronomie notamment. Elle est pourtant aussi nécessaire.

Avec les progrès scientifiques actuels, la genèse de tout phénomène apparaît infiniment complexe. La simplicité des causes n’est créée que par l’insuffisance de nos moyens d’observation. Un poids placé sur le plateau d’une balance n’est pas attiré seulement par la terre, puisque la lune et tous les autres astres du firmament agissent sur lui. Mais leurs milliers d’attractions sont si minimes en comparaison de celle exercée par notre planète qu’on n’en tient aucun compte.

Toute la sagacité du savant consiste à savoir dégager les facteurs principaux d’un phénomène et négliger les autres. Képler ne réussit à formuler ses lois qu’en mettant de côté les perturbations accessoires modifiant faiblement le cours des planètes.

Le véritable homme d’État ne procède pas différemment, mais semblable au savant encore, il doit se rappeler que tel facteur, sans importance à un moment donné, peut en acquérir à un autre. Le physicien considère comme vraie la loi de Mariotte parce qu’il néglige des éléments trop accessoires pour la modifier visiblement dans les conditions habituelles de température, mais il sait aussi que lorsque les gaz se trouvent au voisinage de leur point critique, des facteurs justement négligés d’abord deviennent maintenant prépondérants. La loi est alors inexacte et il faut lui en substituer une autre.


La notion de loi absolue, chère aux savants du dernier siècle, tend à disparaître graduellement de la science. Les principes de la psychologie politique ne sauraient assurément prétendre à plus de fixité que les lois physiques. Ils sont d’ailleurs troublés sans cesse par l’intervention d’éléments imprévus. C’est ainsi qu’à certains moments l’influence des facteurs habituels disparaît devant de brusques courants d’opinion. Si l’homme d’État en connaît le mécanisme, il peut les faire naître ou tout au moins les orienter comme y réussit Bismarck en 1870.

Ces subits mouvements d’opinion constituent une force morale, si irrésistible parfois, que nulle puissance ne parviendrait à les endiguer. Napoléon, lui-même, savait que certains courants ne se remontent pas. Plusieurs de ses