Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/300

Cette page a été validée par deux contributeurs.

redoutable. Sa force cependant n’est qu’illusoire.


Le fatalisme est un héritage antique, continué par les religions et les philosophies. Au sommet des choses, dominant les dieux et les hommes, les anciens plaçaient un pouvoir souverain nommé destin. Ses arrêts étaient inviolables. "Tu tueras ton père et épouseras ta mère", avait dit l’oracle à Œdipe et Œdipe, malgré tous ses efforts, dut subir sa destinée.

Les religions ont perpétué cette tradition. Dans la doctrine de la prédestination, encore chère à plusieurs sectes protestantes, et qui fait le fond du jansénisme, Dieu, dès l’origine des choses, a décrété que certaines âmes seraient sauvés et d’autres damnées.

Si le déterminisme de la science moderne paraît justifier pour beaucoup leur fatalisme atavique, c’est qu’ils confondent fatalisme et déterminisme, choses en réalité fort différentes. Le déterminisme enseigne qu’un phénomène est la conséquence rigoureuse de certaines causes antérieures. Il se répète quand les mêmes causes se reproduisent et sans que les volontés d’aucun être supérieur puissent intervenir dans cet enchaînement. Les anciens avaient divinisé toutes les forces naturelles parce qu’ignorant leur engrenage invariable, ils espéraient, avec des prières, en modifier le cours. Rejeter l’intervention d’êtres supérieurs, voilà tout le déterminisme.

Le fatalisme comporte une définition tout autre. Alors que le déterminisme échappe à notre volonté, beaucoup de fatalités peuvent, au contraire, être dominées par elle.

Laissons aux métaphysiciens les discussions subtiles sur le libre arbitre, puisque le problème est philosophiquement insoluble. En se plaçant à un point de vue exclusivement pratique, il devient facile de prouver que la fatalité n’est le plus souvent que la synthèse de nos ignorances et s’évanouit dès qu’on sait désagréger les éléments qui la composent.


Trois classes distinctes peuvent être établies dans la grande famille des fatalités :
1°/ Les fatalités naturelles, irréductibles.

Telles sont la vieillesse, les phénomènes météorologiques, le cours des astres. Tout au plus pouvons-nous en déterminer les lois, les prévoir et quelquefois nous proté-