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n’apparaissent pas moindres que ceux de monsieur Loti. Recevant monsieur R. Poincaré, il commença d’abord par le gourmander de son demi-optimisme, lui reprochant "l’usage de formules un peu défraîchies". "Je serais fâché pour vous et aussi pour moi, ajoute monsieur Lavisse, si vous croyiez que quelques principes anciens et simples puissent suffire à conduire les hommes dans leur politique d’aujourd’hui."

Quels seraient alors les nouveaux principes directeurs ? Monsieur Lavisse ne les indique pas, sans doute parce qu’il les ignore. Mais il les appréhende beaucoup. Les fantômes lointains paraîssent toujours dangereux.

L’État et la société, continue l’orateur, sont en question et en péril… Une démocratie commence par être un tumulte énorme d’instincts, de passions et d’idées. Elle ne sait ni ne peut savoir au juste ce qu’elle veut, et personne n’est en état de proposer à ses obscures volontés le plan de la cité future. Gênée, irritée par les institutions, lois et coutumes, elle s’attaque à tous les états de la cité présente et tout s’ébranle et semble pencher vers la ruine.

… Un jour, il faudra dans tous les États du monde, choisir entre les dépenses militaires et les dépenses sociales. Ce jour viendra, il approche. Il mettra en présence deux mondes, deux conceptions différentes de l’humanité. Ce sera le grand jour.

L’éminent prophète est-il bien sûr que ses craintes ne soient pas un peu vaines ? A-t-il vraiment oublié que les mêmes problèmes se sont posés sous les mêmes formes, chez tous les peuples, à Athènes, à Rome, à Florence, de l’antiquité aux temps modernes ? Répétés dans des termes presque identiques, ils ont abouti partout aux mêmes solutions. La barbarie changea souvent de nom, mais force fut sans cesse de lutter contre celle du dedans et celle du dehors. Cette lutte constitue d’ailleurs un des facteurs du progrès. Elle n’est dangereuse que si, les défenseurs d’un ordre social établi, se résignent d’avance à la défaite. Fatalement vaincus alors, ils méritent l’écrasement qui termine leur inutile existence.

L’hétérogène alliance des pacifistes, des socialistes et des universitaires de race latine, pourra peut-être faire éclore dans un pays, le "grand jour" de monsieur Lavisse, mais il aurait son lendemain, ce grand jour rêvé. Ce serait l’asservissement immédiat et le pillage du peuple désarmé