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gner, mais non pas nous surprendre. La caractéristique de l’apôtre convaincu est de faire partager à tout prix sa croyance et de détruire sans pitié tous ceux qui, dans son esprit, y font obstacle et sont, par conséquent, les ennemis évidents de l’humanité. L’apôtre éprouve un ardent besoin de propager sa foi et d’apporter au monde la bonne nouvelle qui sortira l’humanité de l’océan de misères où elle avait végété jusqu’ici.

Cette soif de destruction est, je le répète, un des éléments constitutifs de la mentalité de l’apôtre. Pas de véritable apostolat sans le besoin intense de massacrer quelqu’un ou de briser quelque chose. Pour détruire les ennemis de sa foi, l’apôtre n’hésite pas à faire périr des milliers d’innocentes victimes. Il lance ses bombes dans un théâtre rempli de spectateurs ou dans une rue populeuse. Qu’importent de telles hécatombes quand il s’agit de régénérer le genre humain, d’établir la vérité et de détruire l’erreur !

Ces apôtres meurtriers ne se recrutent pas principalement dans les éléments inférieurs d’un peuple. Ils se rencontrent souvent chez des demi-intellectuels, ayant reçu une éducation universitaire mal adaptée à leur mentalité simpliste. Ce sont parfois de doux philanthropes dominés par l’idée fixe de rénover la société. Torquemada, Ravaillac, Marat, Robespierre se considéraient comme des amis du genre humain, ne rêvant que son bonheur et prêts à sacrifier leur vie pour lui.

Les aliénés et les passionnés à tendances altruistes ont surgi de tous temps, écrit Lombroso, même à l’époque sauvage, mais alors ils trouvaient un aliment dans les religions. Plus tard, ils se rejetèrent dans les factions politiques et les conjurations antimonarchiques de l’époque. D’abord croisés, puis rebelles, puis chevaliers errants, puis martyrs de la foi ou de l’athéisme.

De nos jours, et surtout chez les races latines, lorsqu’un de ces fanatiques altruistes surgit, il ne trouve d’autre aliment possible à ses passions que sur le terrain social et économique.

Ce sont presque toujours les idées les plus discutées et les moins sûres qui laissent le champ libre à l’enthousiasme des fanatiques. Vous trouverez cent fanatisés pour un problème de théologie ou de métaphysique. Vous n’en trouverez point pour un théorème de géométrie. Plus une idée