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cuper de subtilités métaphysiques. Très certainement, ce n’est pas la faute du voyou assassin s’il possède une mentalité de voyou au lieu de celle d’un Pasteur. Cependant le voyou et Pasteur jouissent d’une considération fort différente. Le mouton, lui non plus, n’est pas responsable de sa qualité de mouton et cependant elle le condamne fatalement à se voir dépouiller de ses côtelettes par le boucher.

Cette distinction entre la responsabilité sociale et l’irresponsabilité philosophique a mis quelque temps à être comprise. Les divers congrès consacrés à son étude, et notamment celui des médecins aliénistes, tenu à Genève en 1907, ont fini par la mettre nettement en évidence. J’emprunte à R. de Gourmont le résumé des opinions émises à ce dernier congrès :

Fous et demi-fous doivent être également condamnés s’ils sont coupables, c’est-à-dire s’ils ont volontairement ou involontairement violé les lois sociales… S’il faut abandonner l’idée de responsabilité morale, il n’en est pas de même de l’idée de responsabilité sociale… Peu importe que le criminel ait agi avec conscience ou avec inconscience : il est également dangereux dans un cas comme dans l’autre et il doit être chassé de la société pour laquelle il est un danger. Nul ne doit échapper à la responsabilité sociale. Elle est et doit rester un fait inattaquable, un fait sacré. Sans la responsabilité sociale, aucune civilisation n’est possible.

Jusqu’ici, dit le savant criminaliste Garofalo, les peines sont graduées d’après une idée fausse de libre arbitre et de responsabilité morale. Il nous faut changer tout cela, nul n’étant libre. Nous ne punissons plus en raison du degré de liberté, mais en raison de l’intérêt de la société et en proportionnant la peine au danger que présente le criminel.

Le docteur Bard, de Genève, a été encore plus loin en disant : "Si j’étais législateur, je n’hésiterais pas à faire de la demi-folie une circonstance aggravante du crime, car les demi-fous sont de tous les criminels les plus dangereux pour la société.

Les médecins sont presque tous d’accord pour abandonner l’idée de responsabilité morale, mais ils affirment unanimement la responsabilité sociale des criminels et la nécessité d’une répression de plus en plus attentive des