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puisque les foules l’acceptent docilement.

Le danger du mouvement révolutionnaire ne consiste pas uniquement dans les violences suscitées par lui car elles ne sauraient durer. Il réside principalement, je le répète, dans l’anarchie mentale propagée par voie de contagion, parmi toutes les classes. C’est ainsi qu’ont pris naissance la grève des employés des postes, celle des sergents de ville de Lyon, le soulèvement des instituteurs, les syndicats des fonctionnaires, etc. Devant ces essais d’intimidation, le gouvernement cédant toujours, a fortifié dans l’âme des révoltés la conviction qu’il suffit de menacer pour obtenir.

Tiraillés entre des intérêts contraires, apercevant derrière chaque insurgé l’électeur de demain, les législateurs perdent toute notion de l’engrenage des nécessités économiques et votent au hasard, sans en prévoir les incidences, des lois contradictoires dès que les menaces deviennent trop bruyantes.

Étant d’ailleurs humanitaires et surtout craintifs, ils se disent qu’après tout ces réclamants ont un peu raison, que sans doute il est regrettable de voir des usines saccagées, des gardiens assassinés, des industries ruinées, mais qu’on doit faire preuve d’indulgence vis-à-vis des égarés. N’est-il pas certain qu’avec de bonnes lois ces égarés rentreront dans le devoir et deviendront bien sages ? Aussi se hâte-t-on d’amnistier ceux qui après avoir trop massacré ou incendié subissent quelques jours de prison. S’ils récidivent, c’est évidemment que les lois n’étaient pas assez bonnes, et on s’empresse d’en faire d’autres.

Ainsi s’établit, aussi bien au Parlement que dans toute la classe bourgeoise, un état d’esprit des plus dangereux, puisqu’il a créé l’atmosphère d’anarchie ou nous sommes plongés.

Monsieur Raymond Poincaré a très justement marqué les conséquences de cette mentalité nouvelle des classes dirigeantes dans un de ses beaux discours :

Lorsque, dit-il, le collectivisme nous montre en un éternel mirage l’oasis où l’humanité se reposera dans l’égalité parfaite de ses fatigues séculaires, nous demeurons incrédules… Mais sommes-nous bien sûrs de ne jamais faciliter nous-mêmes inconsciemment la tâche de ces rêveurs ? Nous sourions de leurs utopies, nous protestons