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toutes les menaces, et un pouvoir autocratique solidement constitué comme celui de la C.G.T., la foule n’hésite pas. Elle se dirige d’instinct, comme toujours, du côté où elle sent une autorité active, des convictions inébranlables.

Impossible de méconnaître que le syndicalisme révolutionnaire possède une autorité forte. Il conduit, en effet, les masses ouvrières, courbées sous son joug, avec des procédés devant lesquels hésiteraient les plus rudes despotes. Bien que parlant peu, ces maîtres redoutés savent se faire obéir des foules en apparence les plus indisciplinées. Abandonnant aux faibles les longs discours, ils se contentent d’agir. Leurs décrets sont formulés par un comité généralement anonyme, les grèves commandées à coups de sifflets ou par un ordre porté à bicyclette par un délégué qui n’a pas à fournir d’explications. Qui résiste est aussitôt assommé par des camarades trop heureux de paraître zélés aux yeux de leurs maîtres. On se souvient de l’aventure de ce contremaître d’Herserange qui, ayant eu l’audace, après un ordre d’expulsion du syndicat, de venir chercher ses hardes, n’échappa à la mort que par l’intervention de la gendarmerie qui le retira des mains des ouvriers en fort piteux état. Dans une fabrique de tabac, une cigarière subit dernièrement un sort analogue, pour avoir osé accepter un salaire supérieur à celui décrété par le syndicat.

Tous les commandements sont exécutés alors même qu’ils dépassent les bornes de l’insanité pure. À Hazebrouck, les ouvriers sont demeurés en grève plusieurs mois sur l’ordre d’un délégué du syndicat, parce que les directeurs d’une usine de tissage s’étaient permis d’installer, à la place de leur vieil outillage, des machines perfectionnées, employées d’ailleurs en Amérique depuis dix ans. Si les Chemins de fer n’existaient pas, je doute que leur création fût possible aujourd’hui en France, avec la mentalité ouvrière actuelle, et la faiblesse des gouvernants.

De tels exemples sont nécessaires à ceux qui croient les collectivités populaires susceptibles de raisonner. La supériorité des meneurs de la C.G.T. est précisément d’avoir compris qu’elles ne raisonnent jamais et n’obéissent qu’à la force ou au prestige. Aussi repoussent-ils le suffrage universel et proclament le droit des minorités, c’est-à-dire de quelques meneurs des syndicats. Ce droit, peu démocratique assurément, finira cependant par s’imposer