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Ces caractères des peuples, nul ne l’ignore, jouent un rôle fondamental dans l’histoire. Les Romains ont dominé la Grèce, et une poignée d’Anglais domine aujourd’hui l’Inde, beaucoup plus par le développement de certaines qualités nationales, la persévérance et l’énergie, notamment, que par l’élévation de leur intelligence. Nulle éducation ne saurait empêcher certains peuples, les nègres, par exemple, de rester impulsifs, imprévoyants, incapables d’énergie durable, d’efforts soutenus.

Si l’on ne considère l’instruction que comme l’art de fixer dans la mémoire un certain nombre de théories livresques, nous pouvons assurer que les peuplades qualifiées par les anthropologistes de races inférieures, en y comprenant les plus inférieures, telles que certains nègres peuvent être éduquées comme les Européens. Un professeur de notre Université, à son retour d’Amérique, monsieur Hippeau, parle avec admiration des jeunes nègres qu’il a vus dans les classes, répétant des démonstrations de géométrie et traduisant Thucydide à la perfection : "Jamais on n’a mieux compris, dit-il, que les nègres et les blancs sont enfants du même Dieu. Que la nature n’a établi entre les uns et les autres aucune différence fondamentale."

J’ignore, faute de lumières suffisantes sur ce point, si les nègres et les blancs sont les enfants d’un même Dieu, mais ce que je crois bien savoir, c’est que l’auteur est dupe ici d’une illusion, partagée d’ailleurs par beaucoup de personnes s’occupant de l’éducation des peuples inférieurs, les missionnaires notamment.

Je dis : d’une illusion, et voici pourquoi ? L’enseignement des écoles se compose presque uniquement d’exercices de mnémotechnie destinés à approvisionner la mémoire de matériaux que l’intelligence, quand elle se développera, pourra utiliser. Elle les utilisera, grâce à des aptitudes intellectuelles héréditaires, des modes de sentir et de penser qui représentent la somme des acquisitions mentales de toute une race. Ce sont précisément ces différences d’aptitudes, apportées par l’homme en naissant, qui établissent entre les races des inégalités dont aucun système d’éducation ne saurait effacer la trace.

L’enfant appartenant à un peuple demi-civilisé ou demi-sauvage réussira généralement aussi bien à l’école que l’Européen, mais uniquement parce que les études classiques sont surtout des exercices de mémoire créés pour