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pées en Occident, ont conservé un prestige indiscuté en Orient. Le souci de les remplacer n’a pas encore traversé leur esprit.

Mais c’est surtout dans les institutions que se révèle entre l’Orient et l’Occident un incomblable abîme. Toutes les institutions politiques et sociales des Orientaux, qu’il s’agisse d’Arabes ou d’Hindous, dérivent uniquement de leurs croyances religieuses, alors qu’en Occident les peuples les plus dévots ont depuis longtemps séparé institutions politiques et croyances.

Point de code civil en Orient, il existe seulement des codes religieux. Une nouveauté quelconque n’y est acceptée qu’à la condition d’être le résultat de prescriptions théologiques. Sous peine de perdre toute influence, les Anglais en sont réduits, je le rappelle, malgré leur protestantisme rigide, à restaurer les pagodes et entretenir largement les prêtres de Vichnou et de Siva et à professer en toutes circonstances les plus grands égards pour la religion de leurs sujets et les institutions qui en découlent. Le vieux code, religieux et civil, de Manou, est resté la loi fondamentale de l’Inde depuis 2.000 ans, comme le Coran, code également religieux et civil, demeure la loi suprême des musulmans depuis Mahomet.

Ce n’est pas seulement dans la constitution mentale, les institutions et les croyances, que résident les divergences profondes qui nous séparent des peuples de l’Orient. Elles éclatent dans les moindres détails de l’existence, et principalement dans la simplicité de leurs besoins comparée à la complexité des nôtres.

Les modestes aspirations de l’Oriental, l’acceptation de conditions d’existence considérées en Europe comme la noire misère, frappent toujours le voyageur. Une couverture, une cabane ou une tente, quelques végétaux suffisent à son ambition. Les mêmes hommes élevés à l’européenne acquièrent fatalement aussitôt un certain nombre des besoins factices créés par notre civilisation. Et comme il est impossible de les gratifier en même temps des ressources nécessaires pour satisfaire ces besoins, les simples, les heureux, deviennent mécontents, misérables et révoltés. Dans les Indes anglaises surtout, où l’éducation européenne sévit sur une large échelle, le fait est significatif. Un indigène imprégné d’éducation anglaise, et muni de protections, peut obtenir des appointements de 30 francs