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France, est justement de n’être basées que sur la raison pure.

Cette idée restant incompréhensible à des cerveaux latins, il serait inutile d’y insister ici.Je me bornerai donc à rappeler que les religions, les gouvernements, les actes politiques, en un mot tout ce qui constitue la trame de l’existence d’un peuple, n’est jamais fondé sur des raisons. Savoir manier les sentiments pour influencer l’opinion est le vrai rôle des hommes d’État. Les apparences semblent prouver parfois qu’ils agissent souvent par la logique de leurs discours. Tout autre, en réalité, nous le verrons dans cet ouvrage, est le mécanisme de la persuasion. Les multitudes ne sont jamais impressionnées par la vigueur logique d’un discours, mais bien par les images sentimentales que certains mots et associations de mots font naître. Les propositions enchaînées au moyen de la logique rationnelle servent uniquement à les encadrer. En admettant qu’un discours simplement logique produise une conviction, elle sera toujours éphémère et ne constituera jamais un mobile d’action.


Mais si ce n’est pas la logique rationnelle qui conduit les hommes et fait évoluer leurs croyances, comment expliquer qu’au moment de la Révolution des théories uniquement déduites de la raison pure produisirent si rapidement de profonds bouleversements ?

Avant de montrer que cette contradiction n’est qu’apparente, rappelons tout d’abord que la Révolution n’eut, en réalité, qu’un seul théoricien influent, Rousseau.

L’action de Montesquieu, notable à ses débuts, devint vite très faible. Ce dernier cherchait surtout à expliquer des organisations sociales déjà existantes. Rousseau proposait de refaire une société nouvelle. Ce doux halluciné croyait que l’homme, heureux à l’état de nature, avait été dépravé et rendu misérable par les institutions. La raison exigeait donc qu’on les refit. Il était également convaincu que le vice essentiel des sociétés est l’inégalité, et que l’origine du mal social est l’antithèse de la richesse et de la pauvreté. Nécessité, par conséquent, de changer tout cela en établissant d’abord la souveraineté populaire. C’est précisément ce que ses disciples tentèrent par les moyens énergiques que l’on connaît, dès que les résistances du roi, de la noblesse et du clergé engendrèrent des violences qui