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congrès de l’Église anglicane, un chanoine, monsieur Isaac Tylor, fut obligé de constater le navrant insuccès des missionnaires anglais, qui, en de nombreuses années, malgré la protection du gouvernement et d’énormes dépenses, n’avaient recruté qu’un nombre très minime de prosélytes, et parmi les plus basses castes. Dans les pays musulmans, où les missionnaires ne peuvent espérer l’appui de leur gouvernement, les échecs sont plus signalés encore. Après avoir dépensé un demi-million et dix ans d’efforts, en Arabie, en Perse, en Palestine, ils n’ont pu obtenir en dehors des conversions un peu forcées de leurs serviteurs que celle d’une jeune fille, notoirement connue d’ailleurs pour être à demi idiote. Ces exemples, ajoutés à tant d’autres, montrent l’impossibilité où nous sommes de faire pénétrer nos idées, nos conceptions, notre civilisation, dans les cerveaux des Orientaux par quelque moyen que ce soit.

L’impuissance des croyances religieuses est importante à noter après celle de l’instruction et des institutions. Mais, je le répète, elle ne constitue pour ma thèse qu’un argument accessoire. Je ne suis nullement l’ennemi des missionnaires, dont je respecte le courage et les illusions, et qui nous rendent souvent de grands services dans les pays demi-civilisés ne nous appartenant pas, la Syrie, par exemple, en répandant notre langue au moyen de leurs écoles. Toutefois, la diffusion de la langue française dans ces pays sous-développés et à fort taux de natalité, est un "avantage" qui pourrait avoir de néfastes répercussions dans l’avenir.

Ma tâche pourrait paraître terminée, après avoir montré que notre éducation et nos institutions, appliquées aux indigènes des colonies, n’ont d’autre résultat que de troubler profondément leurs conditions d’existence et les transformer en ennemis irréconciliables des Européens.

De tels faits sont indépendants de toute théorie. Mais ils doivent avoir des causes, et ce sont ces causes que je veux essayer maintenant de déterminer. Les faits sont les conséquences de lois générales qu’il faut toujours tâcher de découvrir. C’est ce que nous allons tenter maintenant en recherchant les causes de notre impuissance à élever au niveau de la civilisation européenne les peuples demi-civilisés ou barbares. Alors peut-être apparaîtront nettement au lecteur les raisons profondes de l’impénétrabilité des races.