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CHAPITRE III

Résultats psychologiques des institutions et des religions européennes sur les peuples inférieurs


Notre éducation européenne a donc pour résultat invariable de démoraliser l’indigène et de le transformer en ennemi acharné de l’Européen, sans élever son niveau intellectuel. Laissant de côté ces effets de l’éducation européenne sur l’indigène, dont j’essaierai plus loin de fournir l’explication, je vais aborder maintenant un autre facteur d’assimilation, en recherchant quelle influence les institutions européennes peuvent exercer sur les indigènes des colonies.

L’idée qu’on transforme un peuple en changeant ses institutions, est trop répandue en France, pour être ébranlée. Avec notre goût de l’uniformité (sinon dans la durée, au moins dans l’espace), nos institutions actuelles nous apparaissent toujours comme les meilleures, et notre tempérament nous conduit à vouloir les imposer. Généralement fondées sur des abstractions et déduites de la raison pure, nos spéculations politiques et sociales acquièrent rapidement, à nos yeux, l’autorité de vérités révélées. Comme tous les apôtres, nous sentons le besoin de les propager pour le bonheur de l’humanité.

La plupart des nations civilisées s’étant montrées assez réfractaires à nos leçons, nous avons dû nous rabattre sur nos possessions coloniales, pour les franciser à outrance. Les résultats obtenus sont du plus haut intérêt pour les philosophes.

Nos théories nous ont conduits progressivement à faire de nos colonies de vastes départements français. Peu importe, d’ailleurs, la population qui les occupe. Nègres, jaunes, Arabes, sauvages même, doivent bénéficier de la Déclaration des Droits de l’Homme et des grands principes. Tous possèdent le suffrage universel, des conseils municipaux, des conseils d’arrondissement, des conseils généraux, des tribunaux de tous les degrés, des députés et des sénateurs qui les représentent dans nos assemblées.