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le raisonnement, ni par l’expérience. Les croyances politiques ont la même ténacité que les dogmes religieux, bien qu’ils n’en possèdent pas toujours la durée.

Ce dogme de la transformation de l’âme des peuples sous l’influence des institutions est d’ailleurs indiscuté en France par tous les partis, y compris les plus conservateurs.


Les progrès de la psychologie moderne permettent d’expliquer le rôle joué par la raison dans l’organisation des sociétés, leurs croyances et leur conduite. Il est très faible bien que tous les gouvernements prétendent s’appuyer sur elle.

J’ai montré dans un autre ouvrage (Les opinions et les croyances), que contrairement aux enseignements de la philosophie classique, il existe des formes de logique fort distinctes de la logique rationnelle : la logique mystique et la logique affective notamment. Elles sont tellement séparées qu’on ne peut jamais passer de l’une à l’autre et, par conséquent, exprimer l’une en langage de l’autre.

Sur la logique rationnelle s’édifient toutes les formes de la connaissance, les sciences exactes notamment. Avec les logiques affective et mystique se bâtissent nos croyances, c’est-à-dire les facteurs de la conduite des individus et des peuples.

La logique rationnelle régit le domaine du conscient où se fabriquent les interprétations de nos actes. C’est dans le domaine du subconscient, gouverné par des influences affectives et mystiques, que s’élaborent leurs vraies causes.

L’observation montre que les sociétés sont guidées surtout par les logiques affective et mystique que la logique rationnelle ne saurait guère les influencer et encore moins les transformer.

L’âme simple des réformateurs est trop inaccessible à la genèse des choses pour comprendre que les institutions ne s’édifient pas avec des raisonnements logiques, mais cette notion est devenue évidente aujourd’hui aux hommes d’État anglais. Un de leurs ministres disait récemment, en plein Parlement, que le grand mérite de la Constitution anglaise était de n’être pas rationnelle. C’est, en effet, sa force, alors que la faiblesse des innombrables constitutions engendrées par nos révolutions, depuis un siècle, en