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que nous avons causé à son caractère, et il fait servir l’imparfaite éducation reçue en l’employant contre ses maîtres.

La pauvreté mentale de l’indigène instruit n’est égalée que par son incurable manie de discourir à tort et à travers. Il abordera le premier Européen rencontré pour lui demander gravement et sans attendre d’ailleurs les réponses, s’il préfère Shakespeare à Ponson du Terrail, si le roi d’Angleterre chasse le tigre à Londres, et quel est le nombre de ses femmes.

L’incohérence de ses idées est frappante. Vichnou, Siva, Jupiter, la Bible, le prince de Galles, les héros de la Grèce et de Rome, les anciennes républiques, les monarchies modernes, dansent dans son cerveau une sarabande effroyable. Volontiers s’imagine-t-il que le roi d’Angleterre, son premier ministre et le prince de Galles forment une trinité semblable à celle de Brahma, Vichnou et Siva. Il interprêtera toutes ses notions nouvelles d’après les conceptions héréditaires de sa race, les seules auxquelles il puisse atteindre, malgré l’infatuation où son éducation anglaise l’a plongé.

Le dernier passage de la citation reproduite plus haut répond clairement à la question que nous nous sommes posée : l’éducation européenne fait-elle de l’indigène un ami ou un ennemi du peuple qui la lui inculque ?

Par milliers d’ailleurs pourraient être fournies les observations du même ordre. On ne trouve guère d’administrateur anglais dans l’Inde qui ne soit solidement convaincu que la totalité des indigenes élevés dans les écoles anglaises, deviennent des ennemis irréconciliables de la puissance anglaise, alors que ceux éduqués dans les écoles hindoues ne lui sont pas hostiles. Ces derniers apprécient au contraire la paix profonde que leur assure la domination britannique, domination du reste moins pesante que celle de la race mogole, sous le joug de laquelle ils vivaient auparavant.

Pour connaître l’opinion des Hindous élevés à l’européenne, il suffit de lire les nombreux journaux publiés par eux, et où le gouvernement anglais est traité aussi durement que le nôtre par les plus furieux anarchistes. Il est instructif de voir des Hindous, jadis remarquables par leur extrême douceur, devenir féroces aussitôt que l’éducation