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nous proposions d’étudier maintenant.

Les résultats de l’éducation européenne sur les indigènes ne peuvent être considérés comme concluants que lorsqu’ils résument des tentatives faites pendant de longues années sur un nombre considérable d’individus. Si je citais, dès le début, les expériences accomplies dans nos propres colonies françaises, en Algérie, par exemple, on pourrait me répondre qu’elles ont été exercées sur une trop petite échelle. Il est donc nécessaire d’appuyer l’observation faite dans nos colonies par d’autres recueillies ailleurs. C’est pourquoi nous parlerons d’abord des expériences d’éducation européenne tentées aux Indes par les Anglais.

L’essai a porté sur une population de 250.000.000 d’hommes. Il dure depuis 70 ans. C’est une des plus gigantesques expériences qu’ait connues l’histoire.

Ce fut en 1835, sous l’inspiration de Lord Macaulay, alors membre du Conseil du Gouvernement général à Calcutta, que commença l’éducation anglaise de l’Inde.

Les livres et les sciences de l’Inde paraissant tout à fait méprisables à l’éminent homme d’État, comparés à la Bible et aux ouvrages anglais, devaient être, suivant lui, rigoureusement bannis de l’enseignement. Grâce à son influence, le gouvernement de Lord Bentinck décida qu’on enseignerait exclusivement, dans les écoles anglaises de l’Inde, la littérature anglaise et les sciences européennes.

L’expérience se continue depuis cette époque. L’Inde possède aujourd’hui quatre universités européennes, 130.000 écoles et 3 millions d’élèves. Plus de 50 millions de francs sont consacrés à cet enseignement. Un tiers de cette somme est destiné aux écoles primaires, le reste à l’enseignement secondaire et aux universités.

Au point de vue de l’utilité pratique immédiate, c’est-à-dire pour obtenir à bas prix les milliers d’agents subalternes nécessaires aux Anglais dans leurs administrations : postes, télégraphes, chemins de fer, bureaux, etc., l’utilité des résultats obtenus n’est pas contestable. Les écoles anglaises fournissent surabondamment un contingent d’employés que les Anglais seraient obligés de se procurer en Europe à des prix vingt fois supérieurs.

Mais ce point de vue n’est pas le seul. Il faut se demander encore : premièrement si les individus imprégnés de cette éducation anglaise sont devenus amis ou ennemis