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cratique, promulguent des ukases effarants, ordonnent des arrestations, séquestrations, expulsions, répandent la terreur, préparent la révolte. Quand, à la dernière extrêmité, le gouvernement central les, rappelle, c’est pour les envoyer ailleurs en fructueuse mission.

Pour le malheureux colon, nulle sûreté ; politiquement, l’arbitraire ; commercialement, l’arbitraire. L’interprétation variable des tarifs de douane permet à l’administration de ruiner Pierre au benéfice de Paul. Nulle garantie pour l’avenir d’une entreprise. Vous achetez des terres pour y planter des cacaoyers, sur lesquels on vous promet une prime de 80 centimes quand ils seront en rapport. Vous engagez vos capitaux : le moment venu, il se trouve que la prime est réduite à 30 centimes, et qu’au surplus il n’y a pas de crédits au budget pour la payer. Vous réclamez ; on vous objecte : "L’administration n’est pas allée vous chercher en France. Que venez-vous faire ici ?"

Il est aisé de deviner à quelle misérable situation, semblables procédés ont conduit ces colonies. Le résultat est rendu frappant, par la comparaison avec des pays voisins. Alors que la Guyane anglaise et la Guyane hollandaise ont atteint un haut degré de prospérité, la Guyane française retourne à l’état sauvage.

J’ai déjà montré dans un précédent chapitre, en reproduisant des fragments d’une circulaire du gouverneur actuel de la Côte-d’Ivoire, combien étaient maladroitement féroces nos méthodes de colonisation et à quel point elles avaient exaspéré les populations.

Un journal anglais, l’African Mail faisait justement remarquer que les révoltes de toutes ces peuplades, auxquelles nous prétendons imposer par la violence les bienfaits de notre civilisation, étaient fatales.

Les autorités récoltent ce qu’elles ont semé, et depuis deux ans la Côte-d’Ivoire est le théâtre de combats incessants aboutissant à un état de choses, presque sans précédent, dans les annales de l’Afrique occidentale moderne. On peut tirer de ce qui se passe actuellement à la Côte-d’Ivoire plusieurs leçons, dont la principale est la folie qu’il y a à frapper d’impôts les tribus des forêts qui n’ont substantiellement rien gagné à l’occupation européenne. Une telle politique ne peut être appliquée que par des méthodes brutales : incendies de villages, raids sauvages et incidents déshonorants.