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tre de l’Afrique, trouve des caravanes d’Arabes laissant derrière elles leur religion et souvent leur langue.

Les Européens peuvent être des colonisateurs habiles, mais, depuis Rome, les seuls peuples réellement civilisateurs ont été les musulmans. Seuls, en effet, ils réussirent à faire adopter à d’autres races les éléments essentiels d’une civilisation : la religion, les institutions et les arts.

Les Européens parviennent assez aisément, comme les Anglais dans l’Inde, à dominer un peuple inférieur, mais modifier sa mentalité, il n’y faut pas songer. L’écart entre nos sentiments, nos besoins et les leurs est trop considérable pour que les étapes en puissent être brusquement franchies. La civilisation adaptée à nos besoins ne l’est nullement aux leurs. Notre vie factice, nos inquiétudes perpétuelles, nos révolutions fréquentes, nos nécessités artificielles et le travail incessant qu’elles entraînent, la vie de l’ouvrier de l’usine ou des mines, péniblement attelé à un dur labeur et ne possédant de la liberté que le mot, rien de tout cela ne le tente. Je fus toujours frappé dans mes voyages, de constater que les lettrés orientaux, ayant visité l’Europe, étaient les moins séduits par notre civilisation. Je n’en ai jamais connu qui n’aient considéré l’Oriental comme beaucoup plus heureux, plus honnête et plus moral que l’Européen tant qu’il n’a pas subi son contact. Le seul résultat de notre civilisation sur les Orientaux est de les dépraver et de les rendre misérables.

Impossible d’insister longuement sur les vérités qui précèdent. On ne peut qu’énoncer brièvement ici des idées dont le développement exigerait un volume. Pour en revenir à monsieur Leroy-Beaulieu, j’ai l’espoir qu’en y réfléchissant il reconnaîtra que l’idée de franciser un peuple demi-barbare en lui inculquant notre éducation, théorie si générale encore en France, n’est véritablement plus soutenable par un savant. Laissons de telles idées aux démagogues socialistes. On n’a plus aujourd’hui le droit d’ignorer que les institutions d’une race ont un enchaînement nécessaire, qu’elle ne peut pas les choisir à volonté, mais doit subir celles en rapport avec ses besoins et imposées par son évolution. Inutile de rechercher la civilisation théoriquement la meilleure pour une nation, mais bien celle qui lui convient.

Je n’ai cessé depuis vingt ans de répéter les vérités qui précèdent. Elles commencent, bien que très lentement