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fois de plus au monde notre désolante incapacité à comprendre quelque chose aux besoins, aux sentiments et aux idées des races étrangères et, par conséquent, à les gouverner.


Le danger apparaît donc clairement de vouloir imposer aux indigènes des colonies des institutions, des idées et des besoins de peuples différents. Nous pouvons ajouter, d’ailleurs, que pareille tâche est impossible et qu’aucune nation n’a jamais réussi à la réaliser. Le vernis provisoire de l’éducation européenne modifie fort peu l’indigène. Causez quelque temps avec des lettrés hindous, élevés dans les écoles anglo-indiennes, vous constaterez, malgré une instruction à peu près égale à celle du bachelier ou du licencié européen, l’abîme subsistant entre leurs idées et les nôtres. Il fallut de longs siècles aux Barbares pour se créer, avec les débris du monde romain, une civilisation, une langue et des arts adaptés à leurs besoins. Ces grandes transformations, le temps seul peut les accomplir.

L’histoire prouve que deux civilisations trop différentes, mises en présence, ne se combinent jamais. Les peuples conquérants qui ont pu en influencer d’autres sont uniquement ceux dont les sentiments, les idées, les institutions et les croyances ne présentaient pas de divergences trop accentuées. Les Orientaux agissent aisément pour cette raison sur des Orientaux, mais jamais les Occidentaux n’ont pu acquérir d’action sur eux.

Tel est le secret de l’influence immense exercée par les Arabes en Orient, et qu’ils possèdent encore en Afrique, en Chine et dans l’Inde. Partout ils ont réussi sans effort à faire adopter aux peuples en contact avec eux les éléments les plus fondamentaux de leur civilisation : la religion, la langue et les arts. Implantée dans un pays, la civilisation musulmane y semble fixée pour toujours. Elle a fait reculer dans l’Inde des religions pourtant bien vieilles et rendu entièrement arabe cette antique Égypte des Pharaons sur laquelle les Perses, les Grecs et les Romains eurent si peu d’influence. L’islamisme compte 50 millions de sectateurs dans l’Inde, 20 millions en Chine, et ce nombre s’accroît rapidement chaque jour. Il conquiert aujourd’hui tout le continent africain, alors que les efforts des missionnaires européens échouent misérablement.

L’explorateur européen, parvenu à grand’peine au cen-