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vie, il n’a plus qu’un capital qu’il épuise en une ou deux années.

Une des plus étranges applications faites en Algérie de l’omnipotente intervention de l’État a été la colonisation officielle. Il faut en lire la lamentable histoire dans le livre que je viens de citer. On y verra les conséquences de ces distributions gratuites de terres à des déclassés de toutes sortes, aussi aptes à cultiver le sol qu’à professer le sanscrit, de ces créations de villages officiels devenus aujourd’hui des déserts, etc. Les résultats de cette désastreuse expérience, et les frais excessifs entraînés par elle, n’ont pas suffi pourtant à éclairer nos administrateurs, puisque, il y a quelques années, un gouverneur général demandait 50 millions pour exproprier encore des Arabes et créer d’autres villages en remplacement de ceux qui avaient si misérablement échoué ! Heureusement, le projet fut repoussé par les Chambres, car il préparait sûrement une nouvelle révolte de la population musulmane et un nouveau gouffre pour les millions de la métropole.

Qu’un pareil projet ait pu être proposé, discuté et près d’aboutir, cela montre à quel point l’éducation de l’opinion française demeure encore primitive en matière de colonisation.

Il n’est pas surprenant qu’avec de telles expériences l’Algérie nous coûte excessivement cher. On évalue ce que nous avons payé pour elle à plus de 4 milliards déduction faite des recettes. Au prix de tant de sacrifices, avons-nous au moins pacifié le pays ? Tâchons de nous le persuader, mais n’oublions pas que, pour y conserver une paix relative, il nous faut y entretenir constamment une importante armée.


Depuis la conquête de l’Algérie, deux principes fondamentaux, alternés suivant les mouvements de l’opinion, semblent avoir exclusivement dirigé notre politique colonisatrice. L’un consiste à exproprier les Arabes, puis à les refouler dans le désert. L’autre à les franciser en leur imposant nos institutions. Les Arabes ne se sont pas laissé refouler, par l’excellente raison que le désert ne peut nourrir personne, et qu’avant de consentir à mourir de faim, plusieurs millions d’hommes commencent généralement par opposer quelque résistance. Les indigènes n’ont pas plus accepté d’être francisés que refoulés, parce que