barbarie voisine du procédé des primitifs Américains à l’égard de ces Peaux-Rouges, qu’on dépouillait de leurs territoires de chasse en leur laissant la pleine liberté de mourir de faim.
C’est à peu de choses près notre méthode administrative du refoulement fort bien décrit par monsieur Vignon :
L’administration, dit-il, voyant les gouverneurs généraux confisquer une partie des terres des tribus après chaque insurrection, pensa qu’elle pouvait en toute justice faire choix des meilleures terres pour les colons et "refouler" les indigènes. À mesure que l’élément européen se développait, les indigènes étaient renvoyés de l’héritage de leurs pères, des tribus entières transportées au loin de la région qui était en quelque sorte leur patrie… Les résultats d’une pareille politique suivie pendant plus de 30 ans ne pouvaient être douteux. Ici, l’Arabe incessamment refoulé, toujours plus incertain de recueillir le fruit de son travail, ne songeait ni à bien cultiver, ni à améliorer le sol. Là, privé des terres labourables de sa tribu, de la jouissance même de l’accès des cours d’eau, ne pouvant lutter contre la sécheresse, il ne recueillait pas le blé suffisant à sa nourriture et voyait ses troupeaux diminuer ou disparaître. Partout enfin, ces mille souffrances entretenaient les haines de l’indigène contre le colon et creusaient, au lieu de le combler, le fossé déjà profond qui sépare les deux races.
Le sénatus-consulte de 1863 qui déclara les tribus propriétaires des territoires dont elles avaient la jouissance n’a pas mis fin au système du "refoulement", mais il a changé de forme et de nom. Aujourd’hui il s’appelle le système de "l’expropriation pour cause d’utilité publique"..
Deux traits essentiels caractérisent ce système : d’une part, il ne procure la terre aux colons qu’en l’ôtant aux indigènes, il constitue des cercles exclusivement européens d’où les indigènes sont écartés avec soin en tant que propriétaires. D’une autre, il condamne à la misère l’indigène dépossédé. L’ancien propriétaire du sol reçoit une indemnité en argent qui est fixée par les tribunaux. Elle varie généralement de 50 à 80 francs par hectare. L’indigène se trouve donc échanger les 30 ou 40 hectares sur lesquels il vivait aisément avec sa famille contre une somme de 1.500 à 2.000 francs, c’est-à-dire qu’au lieu d’un fonds de terre suffisant à ses besoins pour toute sa