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ses doctrines, eût-il pour but de saccager des machines ou de "planter le drapeau national dans le fumier", on est toujours sûr de voir accourir à son aide une nuée de demi-intellectuels sans emploi. Notre éducation classique en fabrique des légions, incapables de remplir d’autre fonctions. Ne nous étonnons donc pas que les pires formes du syndicalisme anarchique puissent recruter de nombreux avocats.

Le sabotage des usines ou la destruction des fils télégraphiques, constituant des opérations qu’on évite de recommander trop ouvertement, par crainte des lois, les professeurs d’anarchie finirent par essayer de découvrir une philosophie, d’où pourraient se déduire, grâce à d’habiles subterfuges de langage, les pratiques du syndicalisme anarchiste.

La tentative étant malaisée réussit médiocrement. On vit avec étonnement les doctrines enseignées au Collège de France par le plus doux et le plus sagace des philosophes, monsieur Bergson, devenir l’Évangile du syndicalisme révolutionnaire. "C’est de monsieur Bergson que se réclame l’école nouvelle", nous dit monsieur le professeur Bouglé. Il est vrai que les modernistes, les néo-catholiques et d’autres sectes s’en prévalent également. "Ce que demandent les uns et les autres à leur maître involontaire, ce sont des leçons d’anti-intellectualisme."

On doit remplacer le raisonnement "par des intuitions illuminantes, qui seules nous permettent de comprendre la vie par une sorte de sympathie inexprimable… Il faut s’en fier en tout et pour tout, aux inspirations de l’élan ouvrier, frère de l’élan vital."

Vous ne comprenez peut-être pas très bien ? Moi non plus, et les syndicalistes encore moins. Cela n’a du reste aucune importance. La grande force d’une doctrine est souvent d’être incompréhensible. Les foules ne se passionnent guère que pour ce qu’elles ne comprennent pas. À l’époque du Jansénisme, l’Europe faillit être bouleversée par une doctrine de la Grâce, dont aucun théologien n’est jamais parvenu à nettement exposer les principes ni à voir l’immoralité.

En fait les théoriciens du syndicalisme ont simplement pressenti l’utilité pour une doctrine politique de posséder une philosophie. Celles d’Hegel, Comte et quelques autres avaient déjà servi à des partis très divers et d’ailleurs