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déficit alimentaire de 695 millions l’a vu disparaître et remplacé par un excédent de 5 millions, permettant d’exporter du blé au lieu d’en importer. Le célèbre économiste attribue naturellement au régime de la protection, dont il fut l’apôtre, les 700 millions que les agriculteurs retirent maintenant du sol.

On peut cependant assurer, sans crainte d’erreur, que depuis l’origine du monde aucune loi n’eut un tel pouvoir créateur. En fait, la nouvelle production agricole résulte uniquement des immenses progrès scientifiques réalisés par une agriculture qui se sentait très menacée.

Et si les Anglais n’ont pas accompli les mêmes progrès ce n’est nullement parce que le libre-échange les empêchait de lutter contre la concurrence étrangère, mais simplement parce qu’ils ont trouvé beaucoup plus rémunérateur de fabriquer des produits industriels, de la vente desquels ils retirent plus d’argent qu’il ne leur en faut pour acheter tout le blé nécessaire.

Que le régime protectionniste soit utile ou nuisible n’est d’ailleurs pas à considérer ici. Dans la politique actuelle, et c’est là justement ce que je voulais montrer, il ne s’agit pas de rechercher le meilleur, mais uniquement l’accessible. De nos jours aucun despote ne serait assez fort, je le répète, pour imposer le libre-échange ou la protection à un pays qui n’en voudrait pas. Quand les peuples se trompent, tant pis pour eux. L’expérience le leur fait savoir. Quelques hommes de génie, aidés par les circonstances arrivent parfois à remonter des courants mais leur nombre fut toujours fort petit.

Ce qui précède montre bien à quel point les facteurs de l’heure présente diffèrent de ceux du passé et permet de pressentir le peu d’influence des théories politiques sur l’évolution des peuples. Avec les progrès de la science, de l’industrie et des relations internationales, sont nés d’invisibles mais tout puissants maîtres auxquels les peuples et leurs souverains eux-mêmes doivent obéir.


Les éléments économiques de la vie des peuples constituent donc des nécessités auxquels ils sont forcés de s’adapter puisqu’ils ne peuvent s’y soustraire. À ces nécessités naturelles s’en joignent d’autres, très artificielles, qu’essaient de créer les théoriciens de la politique et les gouvernements qui les suivent. Étudions leur rôle.