naissent de passions qui ne varient guère. La différence réelle porte principalement sur la dissemblance des facteurs qui font aujourd’hui évoluer les peuples. C’est ce point essentiel que je vais essayer de marquer maintenant.
Les véritables caractéristiques de ce siècle sont : d’abord, la substitution de la puissance des facteurs économiques à celle des rois et des lois. En second lieu, l’enchevêtrement des intérêts entre peuples jadis séparés et n’ayant rien à s’emprunter.
Ce dernier phénomène, d’origine relativement récente, a une importance considérable. Les peuples ne sont plus comme jadis isolés et à peu près dénués de relations commerciales. Ils vivent tous les uns des autres et ne pourraient subsister les uns sans les autres. L’Angleterre serait vite réduite à la famine si elle était entourée d’un mur empêchant l’arrivée des matières alimentaires qu’elle va chercher au dehors et paie avec d’autres marchandises.
Ces conditions nouvelles d’existence permettent de pressentir que dans tous les grands mouvements industriels et commerciaux qui transforment la vie des nations, créent la richesse sur un point, la pauvreté sur d’autres, l’influence des gouvernements, si considérable autrefois, devient chaque jour plus faible. Convaincus eux-mêmes de leur impuissance, ils suivent les mouvements et ne les dirigent plus. Les forces économiques sont les vrais maîtres et dictent les volontés populaires auxquelles on ne résiste guère.
Il y a 60 ans (1850), un souverain était encore assez puissant pour décréter le libre-échange dans son pays. Aucun n’oserait même le tenter aujourd’hui. Que la protection condamnée par la plupart des économistes, soit bonne ou nuisible, il importe peu. Elle répond aux volontés populaires de l’heure présente et cette heure est entourée de nécessités trop accablantes pour que les hommes d’État songent beaucoup à l’avenir.
Ils se font d’ailleurs souvent illusion sur les conséquences de leur intervention. Ces chefs dociles d’armées très indociles, obéissent toujours et ne commandent plus.
Dans une séance du 11 mars 1910, monsieur Méline assurait devant le Sénat que le libre-échange avait ruiné l’agriculture anglaise, dont la production de blé a baissé de plus de la moitié en un demi-siècle, alors que sous le régime de la protection, la France qui, en 1892, avait un