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Et c’est pourquoi la religion socialiste a autant triomphé dans la bourgeoisie que dans les couches populaires. La magique puissance de la nouvelle foi est telle, que les classes éclairées perdent toute confiance dans la justesse de leur cause et ne savent pas se défendre contre les plus audacieux rhéteurs. Elles sont envahies par la peur et aussi par un humanitarisme vague, forme méprisable de l’égoïsme et grave symptôme de décadence, comme Renan l’avait déjà observé.

Le socialisme ne progresse pas en réalité par la valeur de l’idéal très bas qu’il propose, mais malgré cet idéal. C’est son côté mystique, l’espérance d’un paradis terrestre où tous les hommes jouiraient d’une éternelle félicité qui fait sa force. J’ai eu souvent occasion de montrer qu’au cours de l’histoire, les hommes se sont fait tuer pour des idées, beaucoup plus que pour satisfaire des besoins matériels. C’est l’idéal à poursuivre qui les a charmés. L’espoir de travailler, sous la férule de l’État collectiviste pour obtenir des bons de pain et de charcuterie ne passionnera jamais personne.

Dans un intéressant livre, les Découvertes de l’Économie sociale, monsieur d’Avenel est arrivé par une autre voie à la même conclusion. Voici comment il s’exprime :

Le "bien-être" ne tient vraiment qu’une place très petite dans l’histoire des nations. C’est assez tard qu’elles se sont avisées d’y penser.

Elles ont visé longtemps à des satisfactions d’un tout autre ordre. Elles se sont passionnées pour tout autre chose et, dans sa marche lente, la civilisation, celle de l’antiquité aussi bien que celle du Moyen Age, a recherché le beau bien avant l’utile. Elle a excellé à faire des statues ou des temples avant de faire des lampes ou des parapluies. Elle a su écrire avant de savoir se chauffer et a découvert le pinceau avant la fourchette.

Ces hommes ont vécu pour l’idée plus que pour la matière. Ils ont glorifié les noms des guerriers qui ont accompli les faits héroïques, dont les peuples le plus souvent ont souffert, et aussi les noms de ceux qui ont formulé des pensées ou créé des œuvres d’art dépourvues d’utilité pratique. Quant aux noms de ceux qui les ont dotés des inventions les plus nécessaires, semble-t-il, à la vie, ils les ont laissé tomber dans l’oubli. De sorte qu’à examiner les faits au long des siècles on s’aperçoit qu’il