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servitude.

Donc le parlementarisme s’est créé des ennemis nombreux et variés. Toutes les classes lui témoignent de l’aversion. Une seule, la bourgeoisie moyenne, ne lui est pas hostile, mais simplement indifférente, immensément indifférente. Monsieur d’Auriac, dont j’ai plusieurs fois cité les écrits, l’a très bien montré dans les termes suivants :

La bourgeoisie française, composée d’éléments divers, secouée par dix révoltions, est profondément indifférente à toutes les formes de gouvernement.

Elle n’est ni royaliste, ni impérialiste, ni républicaine. Elle vote pour la république parce que la république existe elle est conservatrice, non d’une forme de gouvernement, mais de ce qui est. Elle est fidèle à celui, quel qu’il soit, qui lui donne la paix et la sécurité. Le lendemain de la chute elle ne le connaît plus puisqu’il ne peut plus lui servir à rien.

Une des causes les plus actives de l’impopularité parlementaire est la tyrannie véritablement odieuse que le député de province, obligé d’épouser toutes les haines locales de son comité, fait lourdement peser sur les citoyens n’appartenant pas à son parti. Dans une interview publiée par Le Journal, monsieur Loubet, qui fut député avant de devenir Président de la République, fit à ce sujet les révélations suivantes :

Comment voulez-vous que l’on conserve le scrutin d’arrondissement dans l’état misérable où il est tombé avec les représentations qu’il a données et qu’il préparerait encore ? C’est le comble de l’abaissement. On n’a pas idée à Paris des mœurs que ce système déformé a fini par créer dans les provinces, des tyrannies qu’il a érigées, des procédés d’oppression publique qu’il a installés.

"Celui qui ne vote pas pour moi est mon ennemi." Voilà la formule. Elle ne se déguise pas. Peu importe que la grêle tombe sur la vigne de l’adversaire et que son bétail soit emporté par la maladie. Il y aura des indemnités pour certains électeurs. Il n’y en aura pas pour les autres. Tant pis pour eux s’ils sont ruinés : ça leur apprendra à ne pas faire partie de la clientèle triomphante ! Dans un pays centralisé comme la France, de telles mœurs ont pu durer très longtemps, mais elles sont arrivées à un point d’excès où l’instinct de justice qui est si vif chez nous finit par être universellement révolté. Et il