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entières de citoyens aux dépens desquelles on a voulu exécuter ces promesses. Déception de tous les croyants dans la puissance de l’Étatisme.

Suivons maintenant le développement de l’anti-parlementarisme dans les diverses couches sociales.

Inutile, naturellement, d’insister sur sa progression dans le clergé et chez les catholiques, c’est-à-dire dans une fraction encore notable de la nation. On ne peut espérer que des gens dépouillés, traqués, persécutés de toute façon, puissent avoir de la sympathie pour des oppresseurs qui se déclarent leurs irréductibles ennemis. Donc inimitié certaine, et d’ailleurs fort justifiée, de leur part.

La même inimitié est évidente encore, quoique nullement justifiée cette fois, chez les instituteurs et de très nombreux fonctionnaires.

Aucun gouvernement n’a autant fait pour les instituteurs que la République actuelle, aucun cependant n’a récolté pareille impopularité. L’adhésion récente de la Fédération des Syndicats d’instituteurs à la Confédération révolutionnaire du travail traduit nettement l’esprit dont ils sont animés.

Quant à l’hostilité des fonctionnaires proprement dits, 800.000 environ, elle croît à mesure que sont exaucées leurs revendications et si l’on ne réussit pas à les dominer ils pourront nous conduire fort loin, non seulement en écrasant progressivement le budget, mais encore par leur prétention de se substituer aux autres pouvoirs et de former de petits États dans l’État. Tant qu’il obtempérera à leurs désirs, le gouvernement pourra compter sur eux. Dès que cela deviendra impossible, faute d’argent, comme pour les postiers, il les verra se dresser contre lui. Ce que les fonctionnaires demandent maintenant, c’est simplement "détruire la puissance ministérielle pour la répartir entre les administrations mêmes". Ce serait le despotisme complet du rond-de-cuir. Mieux vaudrait sûrement Héliogabale ou Tibère. On peut se débarrasser d’un tyran et son pouvoir est toujours éphémère. La tyrannie anonyme et indestructible des bureaucrates nous laisserait sans espoir.

Nous sommes pourtant menacés de finir par elle. On a depuis cent ans, en France, renversé bien des régimes, bien des chefs d’État, bien des ministres, seule la puissance des fonctionnaires n’a jamais été effleurée. Sur tou-