Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/145

Cette page a été validée par deux contributeurs.

eux-mêmes, comprenant l’absurdité de ces votes, laissèrent le Sénat les ramener à des chiffres vraisemblables.

Dupé d’abord par de magnifiques promesses, le peuple a fini par s’apercevoir que seuls, restaient vivaces aujourd’hui chez ses maîtres, les conflits d’appétits, et que leur morale se ramenait à une course vers la satisfaction de ces appétits. Il vit les candidats, si humbles lorsqu’ils se disputaient ses votes, devenir ensuite tyranniques avec les faibles et trop dépourvus de convictions pour reculer devant les plus irréalisables programmes, les plus absurdes promesses.

Aujourd’hui le député est à la fois l’esclave de son comité et le tyran de ceux dont il ne peut escompter les voix. Il lui faut toujours servir les besoins et les haines de ses électeurs influents.

Son existence est véritablement peu enviable. On en jugera d’après le tableau tracé par monsieur Raymond Poincaré, de la vie d’un notaire de province devenu député puis ministre.

Il était plein d’illusions. Il mit peu de temps à les perdre. Il lui fallut d’abord subir la promiscuité du comité électoral et ses exigences. Élu, il essaya d’être indépendant. On lui fit comprendre qu’il ne fallait pas s’amuser à ce jeu. Il dut s’inféoder à un groupe. Les lettres qui affluaient demandant des palmes, des secours, des places ne l’y obligeaient-elles pas ?

Puis il devint ministre. À peine était-il désigné que son antichambre était envahie par une vingtaine de jeunes gens ambitieux de s’embarquer sur l’esquif qui portait sa fortune. Après une tentative tôt réprimée de résistance, il en fit des chefs, des sous-chefs, des chefs adjoints, des attachés de cabinet.

Mais il voulait tout de même gouverner. Les séances du Conseil des Ministres l’en dissuadèrent promptement. Il fallait vivre d’abord, durer, éviter les affaires gênantes. Il tomba naturellement, et lassé, dégoûté, il est discrètement retourné à sa petite ville et à ses champs.

Parmi les députés, certains sont cependant pleins de bonne volonté. Réunis en foule, ils ne peuvent rien. Un député de la gauche, monsieur Labori, qui a renoncé à se représenter, marque très justement cette impuissance dans les lignes suivantes :

L’initiative parlementaire est à peu près nulle pour