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Tel est le sens général de l’histoire rapportée par le Vieux Cordelier d’après les auteurs latins. L’apologue du célèbre polémiste ne fut pas compris et sous l’influence des surenchères journalières, la République descendit rapidement la pente des violences, de l’anarchie et des mesures arbitraires qui la firent sombrer dans la dictature.

Certes, la surenchère constitue, en apparence du moins, un assez sûr moyen de vaincre ses rivaux, surtout si ces derniers gardent quelques scrupules et si du premier coup on va assez loin. Il est incontestable que le député socialiste qui promettait jadis 6.000 francs de rente à chacun de ses électeurs, en échange d’une heure de travail quotidien, dans le cas où son parti triompherait, ne devait pas craindre beaucoup de surenchères. On eût pu tout aussi aisément promettre à chaque électeur 12.000 francs de rente et une automobile conduite par un bourgeois enchaîné sur le siège. Mais, en matière de surenchère, s’il est recommandable d’arriver de suite aux extrêmes limites du vraisemblable, il est dangereux de trop les dépasser.

La méthode de la surenchère étant très commode, certains politiciens ont pris l’habitude d’en user largement C’est seulement maintenant qu’ils lui découvrent d’assez nombreux inconvénients.

Promettre n’est jamais difficile, tenir l’est toujours. Sans doute, peut-on ajourner pendant quelque temps les réalisations, en invoquant l’opposition des partis, mais un moment arrive où l’électeur finit par découvrir qu’on l’a berné avec des chimères. Il perd alors ses illusions et les illusions sont choses trop précieuses pour qu’on les perde sans colère.

Aujourd’hui, grâce justement à leurs surenchères, beaucoup de parlementaires sont enveloppés d’un nuage d’impopularité qui s’accroît chaque jour.

Non pas, certes, que ces législateurs aient manqué de zèle, mais nul n’est capable de créer l’impossible. Or, ce qu’on a promis est précisément l’impossible. Se heurtant sans cesse à des nécessités naturelles, les lois édictées n’ont fait parfois qu’accentuer les maux qu’elles prétendaient guérir. De surenchère en surenchère, le Parlement avait voté des retraites ouvrières qui eussent coûté annuellement, 800 millions, des retraites pour les employés de chemin de fer en exigeaient 200, etc. Les intéressés