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que le Conseil d’administration des Chemins de fer de l’État avait décidé de s’adjoindre un des secrétaires de cette Confédération révolutionnaire du Travail qui ne cache pas son intention de détruire violemment la société. On voit jusqu’où peut pousser l’aiguillon de la peur et on devine quel avenir attend des chefs, ne comptant que sur la méprisante pitié de leurs subordonnés.

Bien que momentané, le succès des fonctionnaires révoltés entraînera des conséquences profondes et lointaines. Je ne m’occuperai ici que des plus rapprochées.

Nous allons assister à l’accélération d’une désorganisation générale, commencée d’ailleurs depuis longtemps. Finances et services publics, tout s’effondrera plus ou moins lentement mais sûrement.

Ce sont surtout les forces morales, seules armatures réelles d’une société, qui s’effritent maintenant.

Un tel phénomène n’a pas été l’œuvre d’un jour.
Pendant de longues années, des politiciens avides de succès ne cessèrent de bercer leurs électeurs de promesses irréalisables et de flatter les plus bas instincts populaires. Les comités électoraux, les instituteurs et les cabaretiers devinrent nos vrais maîtres. D’une pareille collaboration, quel idéal pouvait sortir ? Toutes les hiérarchies, toutes les disciplines, tous les dévouements à l’intérêt collectif furent lentement détruits. Ce n’est pas impunément qu’on anéantit de tels sentiments dans les âmes.

L’anarchie que nous voyons éclore était donc inévitable et à peine est-il temps encore de méditer sur les enseignements de l’histoire. À Rome, à Athènes, dans les Républiques italiennes, partout enfin, l’anarchie prépara toujours les plus dures dictatures.


Devant la situation morale créée par la grève des postiers, les politiciens ont naturellement cherché des remèdes. Imbus de la grande illusion latine sur la toute-puissance des lois, ils proposèrent immédiatement de combattre le désordre avec des règlements et le gouvernement combina vite une loi sur le statut des fonctionnaires destinée à punir ceux qui se mettront en grève. Un tel degré de naïveté est surprenant. On s’est étonné de voir un journal sérieux qui a souvent montré comment le gouvernement passait "de l’énergie des paroles à la veulerie des actes", croire à l’efficacité de semblables mesures. Est-il