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subordonnés. A priori, toutes les réclamations du personnel étaient (aux yeux des ministres ou sous-secrétaires d’État), justes en principe et faciles à satisfaire. Même quand ces réclamations étaient formulées comme des ordres, et ceci devint la règle constante, tout allait pour le mieux, car il convenait d’éviter un conflit. C’est ainsi qu’on le préparait, et qu’on le préparait plus grave.

Le pouvoir flattait avec servilité les délégués de l’Association. Son président, a-t-on révélé, "déjeunait toutes les semaines chez le sous-secrétaire d’État, qui le consultait sur les promotions, les tableaux d’avancement et sur les nominations des directeurs !"

À la suite de quelques discussions se manifesta un brusque refroidissement dont le point de départ fut l’insuffisance des crédits, impuissants à satisfaire de croissantes exigences. Ces commis, habitués à parler en maîtres devant des chefs très déférents, furent indignés d’une ébauche de résistance et commencèrent à menacer. Le conflit devenait psychologiquement évident, au premier refus d’un pouvoir toujours prêt à céder.

Il éclata bruyamment, pour le plus futile motif. Le 13 mars, une délégation n’ayant pas obtenu du ministre ce qu’elle exigeait, c’est-à-dire la suppression de l’avancement au choix, sortit de l’audience en poussant des hurlements de fureur et se précipita vers le bureau central de télégraphie. Elle y sema le désordre par ses vociférations et commença la grève. Cette dernière fut votée à l’unanimité le lendemain par les postiers et télégraphistes réunis au Tivoli Vauxhall.

On connait ses résultats. Après quelques jours de vague résistance et de menaces de révocation, le gouvernement, malgré l’appui de la Chambre, capitula de la plus complète, et il faut bien le dire aussi, de la plus humiliante façon.

C’est en effet, très humblement, que des ministres, disposant de toute la puissance publique, cédèrent aux injonctions insolemment formulées de fonctionnaires révoltés. Le représentant des postiers sut bien marquer la forme humiliante de la défaite devant ses camarades enthousiasmés par un succès si imprévu.

Quand j’ai vu, hier, dans le cabinet du Président du Conseil, les gouvernants à genoux, pour ainsi dire, nous demander l’apaisement du conflit, j’ai senti que nous