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Je n’avais pas oublié toutefois l’homme prestigieux. Sa logique, fort différente de celle des livres, lui avait réussi. Donc elle n’était pas vaine. Si sa poudre ne contenait que d’insignifiants éléments, elle agissait pourtant. À quelle puissance magique devait-on alors attribuer ces miraculeuses vertus ?

Je restais muet devant ces problèmes. Néanmoins, après y avoir souvent réfléchi, je finis par découvrir que ce subtil personnage avait su manier d’instinct les facteurs fondamentaux d’où dérivent la vie des peuples et le cours de leur histoire.

Ce qu’il vendait, en effet, c’était cet élément immatériel qui mène le monde et ne saurait mourir :

l’ESPÉRANCE.


Les prêtres de tous les cultes, les politiciens de tous les âges ont-ils jamais vendu autre chose ?

Et si l’ingénieux personnage avait réussi à imposer la foi en ses discours, c’est que, comme tous les fondateurs de croyances, il s’appuyait sur ces quatre principaux facteurs des convictions populaires :
1°/ le prestige qui suggère et impose.
2°/ l’affirmation sans preuve qui dispense de la discussion.
3°/ la répétition qui fait accepter comme certaines les choses affirmées.
4°/ la contagion mentale qui rend vite très puissantes les convictions individuelles les plus faibles.

Cette brève énumération contient les éléments fondamentaux de la grammaire de la persuasion. Si des professeurs de logique vous assurent que la raison devrait y figurer aussi, laissez-les dire, mais ne les croyez pas.

Ces facteurs sont applicables aux cas les plus divers, dans les circonstances les plus variées. Pour convaincre, vous les emploierez (inconsciemment peut-être, mais sûrement), que vous soyez simple charlatan désireux de vendre un élixir, subtil financier obligé d’écouler de médiocres valeurs, ou même puissant dirigeant voulant amener son peuple aux lourds sacrifices nécessaires pour fonder une grande armée.

Ces facteurs de la persuasion ne s’adressent qu’aux sentiments, c’est-à-dire aux mobiles habituels de notre conduite. Ils auraient peu de prise sur l’intelligence et seraient, par conséquent, sans utilité pour le professeur faisant une démonstration où le savant exposant une expé-