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raissait ainsi évident. Inutile d’ajouter que personne ne songeait à vérifier la valeur statistique de l’affiche. C’eût été du raisonnement, de l’esprit critique, facultés dont les foules furent toujours incapables.

Toutes ces manœuvres reposaient sur une connaissance parfaite de l’âme populaire, de son émotivité, de sa crédulité et de l’action de la répétition sur elle. Si les résultats souhaités n’ont pas été toujours obtenus, puisque le Parlement anglais est divisé actuellement en deux partis à peu près égaux, c’est que les adversaires employant les mêmes armes, leurs effets s’annulaient. L’électeur indécis suivait alors l’impulsion du groupe auquel il appartenait.

C’est grâce à leur sensibilité qu’on émeut si facilement les foules, et grâce à leur mobilité qu’on les retourne si aisément. Le héros, porté avec enthousiasme au Capitole, sera précipité avec le même enthousiasme du haut de la roche Tarpéienne. La veille de sa chute, Robespierre était dieu de la plèbe parisienne. Le lendemain, elle hurlait des invectives et délirait de joie derrière la charette emportant vers la guillotine le dieu tombé. Conduit au Panthéon parmi les acclamations de la foule, le corps de Marat était jeté à l’égout par la même foule quelques années plus tard. Le cadavre de Cromwell connut le même sort.

Ne pouvant tabler sur le raisonnement des foules, puisqu’elles en sont totalement dépourvues, le meneur essaie seulement d’impressionner leur sensibilité. L’adversaire agissant naturellement de la même façon, le succès appartiendra, finalement, à celui qui criera le plus fort et sera le plus violent.

Cette nécessité de la violence est telle, qu’on a pu voir, lors des dernières élections, des ministres anglais, réputés habituellement pour leur correction, vociférer des invectives dans leurs discours populaires avec le style des clubs jacobins au moment de la Révolution.

Dans une harangue publique, monsieur Lloyd Georges, ministre des finances, déclarait que la Chambre des Lords "était une réunion de misérables lâches, de tristes pleutres, n’ayant pas assez de cœur pour faire le bien et pas assez de courage pour faire le mal."

Des injures analogues étaient répétées chaque jour par les divers ministres dans leurs circonscriptions.

Dans l’étude de la psychologie populaire, on doit noter