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lement à l’absurde qu’au rationnel. Disons simplement qu’il finit par s’adapter à tout.

En réalité, cette adaptation de l’élite aux multitudes serait assez aisée si les polititiens, semeurs d’illusions, n’avaient fait germer dans l’âme des masses ouvrières des erreurs et des haines, seuls soutiens de l’antagonisme dont j’ai parlé.

L’antagonisme s’évanouira le jour où les foules, conscientes de leurs vrais intérêts, découvriront que la disparition ou l’affaiblissement des élites entraînerait rapidement pour elles la pauvreté d’abord, la ruine ensuite.

Leur démonter cette vérité élémentaire, sera difficile. Il est pourtant bien clair que si l’atelier sans maître, rêvé par les syndicalistes, ou l’atelier dirigé par des délégués de l’État collectiviste était, à la rigueur, possible au commencement du siècle dernier, à l’époque où la technique restait très primitive, ces formes d’organisation sont impossible aujourd’hui.

Étrangers malheureusement à toutes les réalités, errant dans la sphère des illusions pures, les socialistes ne cessent de propager des utopies dont l’accomplissement amènerait la ruine rapide des âmes simples qui les écoutent.

Les chimères incrustées dans les cervelles populaires sont nettement marquées par le conseil suivant d’un délégué de la classe ouvrière, présenté et approuvé au congrès socialiste de février 1910.

"Il n’y a qu’un moyen de vous affranchir, c’est de substituer aux propriétés capitalistes la propriété collectiviste qui, gérée par vous et pour vous, fera de vous tous, serfs modernes du salariat, des producteurs associés et libres."

L’usine gérée par des ouvriers serait le navire privé de son capitaine et conduit par les matelots. Elle ne durerait que peu de temps. Administrée par un délégué de l’État collectiviste, elle se maintiendrait un peu plus longtemps, ce délégué se gardant bien d’y rien changer, mais au lieu de progresser, elle diminuerait vite d’importance et les salaires également. Ce ne sont pas assurément des fonctionnaires n’ayant aucun intérêt à une amélioration quelconque qui prendraient l’initiative de s’exposer aux risques de ruine supportés par les grandes entreprises modernes désireuses de prospérer.