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de plusieurs ordres la contagion des croyances à la mode, la peur, puis l’indifférence.

"Une grande partie de la bourgeoisie, écrit monsieur Garofalo, tout en envisageant avec quelque crainte le mouvement socialiste, pense que c’est aujourd’hui un mouvement irrésistible et inévitable. Il y a dans ce nombre des âmes candides, ingénûment amoureuses de l’idéal socialiste, et qui voient en lui l’aspiration au règne de la justice et de la félicité universelles." C’est là simplement l’expression d’un sentiment superficiel non raisonné, accepte par contagion. N’adopter une opinion politique ou sociale, que quand, après mûre réflexion, elle paraît répondre a la réalité des choses, constitue un processus mental dont semblent incapables la plupart des cerveaux latins. Si, dans l’adoption d’une opinion politique, religieuse ou sociale, nous apportions une faible part de la lucidité et de la réflexion qu’emploie le dernier des épiciers pour traiter une affaire, nous ne serions pas, comme nous le sommes dans les questions politiques et religieuses, à la merci de la mode, du milieu, des sentiments, et flottant par conséquent au gré des événements et de l’opinion du moment.

Cette opinion du moment, c’est-à -dire la mode, est une des causes principales de l’adoption ou du rejet des doctrines. Pour la très immense majorité des individus il n’en existe pas d’autres. La crainte de l’opinion des imbéciles a toujours constitué un des facteurs importants de l’histoire.

Aujourd’hui les tendances socialistes sont beaucoup plus répandues dans la bourgeoisie que dans les classes populaires. Elles s’y propagent par simple contagion avec une singulière rapidité. Philosophes, littérateurs et artistes suivent docilement le mouvement et contribuent activement à le répandre sans d’ailleurs y rien comprendre.[1]

Le théâtre, les livres, les tableaux eux-mêmes sont imprégnés de plus en plus de ce socialisme sentimental, larmoyant et vague qui rappelle tout à fait l’humanitarisme des classes dirigeantes au moment de la Révo-

  1. "Disons sans exagération, écrit monsieur J. Bourdeau, que sur cinquante députés socialistes à la Chambre, il y en a peut-être une douzaine qui sachent exactement ce qu’ils entendent par socialisme et qui soient capables de l’expliquer clairement. Ceux-là mêmes qui appartiennent à des sectes fondées sur des théories se reprochent mutuellement leur ignorance ...La plupart des socialistes, même parmi les meneurs, sont socialistes d’instinct, le socialisme est pour eux une formule énergique de mécontentement et de révolte."