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en capitaliste calculateur et développe étonnamment ses instincts de propriété. Dès qu’il a une famille,un foyer et quelques économies à conserver, l’ouvrier devient aussitôt un conservateur obstiné. Le socialiste, le socialisteanarchiste surtout, est le plus souvent un célibataire, sans foyer, sans ressources et sans famille, c’est-à-dire un nomade, et, à tous les âges, le nomade fut toujours un indiscipliné et un barbare. Quand l’évolution économique aura fait de l’ouvrier le propriétaire d’une part, si restreinte qu’on la suppose, de l’usine où il travaille, ses conceptions des relations entre le capital et le travail auront profondément changé. La preuve en est fournie par les quelques usines où de telles transformations ont déjà été réalisées et aussi par l’état mental du paysan. Ce dernier mène une existence beaucoup plus dure généralement que celle de l’ouvrier des villes, mais il possède le plus souvent un champ à cultiver, et pour cette simple raison n’est presque jamais socialiste. Il ne l’est guère que lorsque germe dans sa primitive cervelle l’idée de la possibilité de s’emparer du champ de son voisin, sans avoir, bien entendu, à abandonner le sien.

Nous résumerons ce qui précède en disant que la classe la plus réfractaire au socialisme sera précisément cette classe ouvrière parisienne sur laquelle comptent tant les socialistes. La propagande de ces derniers a fait naître des convoitises et des haines, mais les nouvelles doctrines n’ont pas profondément pénétré dans les âmes populaires. Il est fort possible qu’a la suite d’un de ces événements que les ouvriers attribuent toujours au Gouvernement, tel qu’un chômage prolongé ou une concurrence étrangère produisant l’abaissement des salaires, les socialistes puissent recruter parmi eux les soldats d’une révolution, mais ce seront des soldats qui se tourneront bien vite vers le panache du César qui viendra étouffer cette révolution.

§3. Classes dirigeantes

"Ce qui contribue beaucoup aux progrès du socialisme, écrit monsieur de Laveleye, c’est qu’il envahit peu à peu les classes élevées et instruites."

Les motifs de cet envahissement sont, suivant nous,