Page:Le Bon - Psychologie du socialisme.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

solument opposé à l’idéal latin. Au lieu d’être porté à un maximum, le rôle de l’État est réduit chez eux à un minimum, alors que le rôle politique ou social réservé à l’initiative privée est étendu au contraire à son maximum.

De ce qui précède, il résulte que la nature des institutions ne joue qu’un rôle bien faible dans la vie des peuples. Il faudra probablement quelques siècles encore avant qu’une telle notion pénètre dans les âmes populaires. [1]

Ce n’est que lorsqu’elle y aura pénétré pourtant qu’apparaîtra clairement l’inutilité des constitutions et des révolutions. De toutes les erreurs qu’a enfantées l’histoire, la plus désastreuse, celle qui a fait verser inutilement le plus de sang, accumulé le plus de ruines, est cette idée qu’un peuple quelconque puisse changer ses institutions à son gré. Tout ce qu’il peut faire, c’est d’en changer les noms, d’habiller de mots nouveaux des conceptions anciennes, qui représentent l’évolution naturelle d’un long passé.

Ce n’est que par des exemples qu’il est possible de justifier les assertions qui precèdent. Nous en avons fourni plusieurs dans nos précédents ouvrages. Mais l’étude du socialisme chez les diverses races, étude à laquelle sont consacrés quelques-uns des chapitres qui vont suivre, nous en présentera bien d’autres. Nous montrerons tout d’abord, en prenant un peuple donné, com-

  1. Elle n’a pas pénétré davantage d’ailleurs chez les esprits instruits, au moins chez les Latins. Dans un article remarquable, publié le premier avril 1898 dans l’Evening Post de New-York à propos des idées d’un écrivain français distingué, monsieur Brunetière, le rédacteur du journal s’exprime ainsi : "C’est le caractère et non les institutions, qui fait la grandeur des peuples, ainsi que l’a fort bien montré Gustave Le Bon dans un livre récent. L’erreur de monsieur Brunetière et de ses confrères est de croire qu’on peut faire les nations grandes avec des lois, par l’augmentation de leur armée et de leur marine ou en substituant le scrutin de liste au scrutin d’arrondissement." La lecture des discours des hommes politiques latins de tous les partis montre à quel point ils professent des opinions identiques à celles de monsieur Brunetière. Ce ne sont pas des opinions individuelles, ce sont des opinions de race.