CHAPITRE III
Les théories socialistes
§1. Principes fondamentaux des théories socialistes
Exposer les conceptions politiques et sociales des
théoriciens du socialisme serait fort dépourvu d’intérêt,
s’il n’était arrivé parfois à ces conceptions d’être en
rapport avec les aspirations d’une époque, et de produire
pour cette raison une certaine impression sur les esprits.
Si, comme nous l’avons tant de fois soutenu, et comme
nous nous proposons de le montrer encore, les institutions
d’un peuple sont les conséquences de son organisation
mentale héréditaire, et non le produit de théories philosophiques
créées de toutes pieces, on conçoit le peu
d’importance des utopies sociales et des constitutions
spéculatives. Mais, dans leurs rêveries, les politiciens et
les rhéteurs ne font souvent que revêtir d’une forme
accessible aux esprits les aspirations inconscientes de
leur époque et de leur race. Les rares écrivains qui ont
exercé par leurs livres quelque influence dans le monde,
tels que Adam Smith en Angleterre et Jean-Jacques
Rousseau en France, n’ont fait que condenser sous une
forme intelligible et claire des idées qui se répandaient
déjà de toutes parts. Ce qu’ils ont exprimé, ils ne
l’ont pas créé. Le recul du temps peut seul faire illusion
sur ce point.
Si nous limitons les diverses conceptions socialistes aux principes fondamentaux sur lesquels elles reposent, l’exposé en sera très bref.
Sous leur diversité apparente, les théories modernes de l’organisation des sociétés peuvent se ramener à deux principes fondamentaux et opposés : l’individualisme et le collectivisme. Dans l’individualisme, l’homme est abandonné à lui-même, son action est portée à un maximum