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puisse seule montrer la genèse des nouvelles doctrines et expliquer l’influence qu’elles exercent aussi bien dans les couches populaires que parmi un certain nombre d’esprits cultivés. Il faut plonger jusqu’aux racines profondes des événements dont on voit se dérouler le cours pour arriver à en comprendre la floraison.

Aucun apôtre n’a jamais douté de l’avenir de sa foi. Les socialistes sont donc persuadés du triomphe prochain de la leur. Une telle victoire implique nécessairement la destruction de la société actuelle et sa reconstruction sur d’autres bases. Rien ne paraît plus simple aux disciples des nouveaux dogmes. Il est évident qu’on peut, par la violence, désorganiser une société. Tout comme on peut anéantir en une heure par le feu un édifice lentement construit. Mais nos connaissances actuelles sur l’évolution des choses nous permettent-elles d’admettre que l’homme puisse refaire à son gré une organisation détruite ? Dès qu’on pénètre un peu dans le mécanisme des civilisations, on découvre vite qu’une société, avec ses institutions, ses croyances et ses arts, représente un réseau d’idées, de sentiments, d’habitudes et de modes de penser fixés par l’hérédité, et dont l’ensemble constitue sa force.Une société n’a de cohésion que quand cet héritage moral est solidement établi, non dans les codes, mais dans les âmes. Elle décline dès qu’il se désagrège. Elle est condamnée à disparaître lorsque la désagrégation est complète.

Une telle conception n’a jamais influencé les écrivains et les hommes d’Etat latins. Persuadés que les nécessités naturelles peuvent s’effacer devant leur idéal de nivellement, de régularité, de justice, ils croient qu’il suffit d’imaginer des constitutions savantes, des lois fondées sur la raison, pour refaire le monde. Ils ont encore les illusions de cette époque héroïque de la Révolution, où philosophes et législateurs considéraient comme certain qu’une société est chose artificielle que de bienfaisants dictateurs peuvent rebâtir entièrement.

De telles théories semblent bien peu soutenables aujourd’hui. Il ne faut pas les dédaigner pourtant. Elles constituent des mobiles d’action d’une influence destructive très grande et par conséquent fort redoutable. La puissance créatrice s’appuie sur le temps et demeure