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transforment de jour en jour et deviennent de plus en plus incertaines et flottantes. Pour mettre d’accord les principes formulés par ses fondateurs avec les faits nouveaux qui les contredisent trop nettement, il a fallu se livrer a un travail analogue à celui de théologiens essayant de mettre d’accord la Bible et la raison. Les principes sur lesquels Marx, qui fut pendant longtemps le grand-prêtre de la religion nouvelle, basait le socialisme, ont même fini par être tellement démentis par les faits que ses plus fidèles disciples en sont réduits à les abandonner. C’est ainsi par exemple que la théorie essentielle du socialisme d’il y a quarante ans, d’après laquelle les capitaux et les terres devaient se concentrer dans un nombre de mains toujours plus restreint, a été absolument démentie par les statistiques de divers pays.

Ces statistiques font voir en effet que les capitaux et le sol, loin de se concentrer, se diffusent avec une rapidité extrême entre un nombre immense d’individus. Aussi voyons-nous en Allemagne, en Angleterre et en Belgique, les chefs du socialisme abandonner de plus en plus le collectivisme qu’ils qualifient maintenant de doctrine chimérique bonne tout au plus à illusionner des latins.

Au point de vue de l’extension du socialisme, ces discussions de théoriciens sont d’ailleurs sans aucune importance. Les foules ne les entendent pas. Ce qu’elles retiennent du socialisme, c’est uniquement cette idée fondamentale que l’ouvrier est la victime de quelques exploiteurs, par suite d’une mauvaise organisation sociale et qu’il suffirait de quelques bons décrets, imposés révolutionnairement, pour changer cette organisation. Les théoriciens peuvent évoluer. Les foules acceptent les doctrines en bloc et n’évoluent jamais. Leurs croyances revêtent toujours une forme très simple. Implantées avec force dans des cervelles primitives, elles y restent inébranlables pour longtemps.

En dehors des rêveries des socialistes, et le plus souvent en désaccord flagrant avec ces rêveries, le monde moderne subit une évolution rapide et profonde. Elle est la conséquence du changement opéré dans les conditions d’existence, les besoins, les idées, par les découvertes scientifiques et industrielles accomplies depuis cinquante ans. C’est à ces transformations que