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croire. Ce qu’il faut connaître surtout ce sont les milieux où elle se développe, les sentiments sur lesquels elle s’appuie, la nature des esprits qui la reçoivent. A l’époque où le Bouddhisme et le Christianisme triomphèrent, il eût été d’un intérêt assez faible pour un philosophe de discuter leurs dogmes et d’un intérêt très grand de connaître les causes qui leur permirent de s’établir, c’est-à-dire avant tout l’état des esprits qui les acceptèrent. Un dogme finit toujours par s’imposer, si absurde qu’il puisse être aux yeux de la raison, quand il a réussi à produire certaines transformations mentales. Dans ces transformations, le rôle du dogme lui-même est parfois très secondaire. Il triomphe par l’action du milieu et du moment où il apparaît, par les passions qu’il fait naître et surtout par l’influence d’apôtres capables de parler aux foules et d’engendrer la foi. Ce n’est pas en agissant sur la raison mais seulement sur les sentiments, que ces apôtres provoquent les grands mouvements populaires d’où surgissent de nouveaux dieux.

Et c’est pour ces raisons que je n’ai pas cru du tout sortir de mon sujet en écrivant certains chapitres sur les fondements de nos croyances, le rôle des traditions dans la vie des peuples, les concepts formateurs de l’âme latine, l’évolution économique de l’âge actuel et d’autres encore. Ils constituent peut-être les parties les plus essentielles de cette étude.

Je n’ai consacré qu’un nombre de pages assez restreint à l’exposé des doctrines socialistes. Elles sont d’une mobilité rendant toute discussion inutile. Cette mobilité constitue d’ailleurs une loi générale qui préside à la naissance de toutes croyances nouvelles. Les dogmes ne se constituent réellement que lorsqu’ils ont triomphé. Jusqu’à l’heure de ce triomphe, ils restent incertains et fuyants. Cette imprécision est une condition de succès puisqu’elle leur permet de s’adapter aux besoins les plus divers et de donner ainsi satisfaction aux aspirations infiniment variées des légions de mécontents si nombreuses à certains moments de l’histoire.

Le socialisme, qu’on peut classer, comme nous essayerons de le montrer, dans la famille des croyances religieuses, possède ce caractère d’imprécision des dogmes qui ne règnent pas encore. Ses doctrines se