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crimes, le meurtre des innocents, le meurtre de leur amis. À l’unanimité et avec les plus vifs applaudissements, la gauche, réunie à la droite, envoie à l’échafaud Danton, son chef naturel, le grand promoteur et conducteur de la Révolution. À l’unanimité et avec les plus grands applaudissements, la droite, réunie à la gauche, vote les pires décrets du gouvernement révolutionnaire. À l’unanimité, et avec des cris d’admiration et d’enthousiasme, avec des témoignages de sympathie passionnée pour Collot d’Herbois, pour Couthon et pour Robespierre, la Convention, par des réélections spontanées et multiples, maintient en place le gouvernement homicide que la Plaine déteste parce qu’il est homicide, et que la Montagne déteste parce qu’il la décime. Plaine et Montagne, la majorité et la minorité finissent par consentir à aider à leur propre suicide. Le 22 prairial, la Convention tout entière a tendu la gorge ; le 8 thermidor, pendant le premier quart d’heure qui a suivi le discours de Robespierre, elle l’a tendue encore. »


Le tableau peut paraître sombre. Il est exact pourtant. Les assemblées parlementaires suffisamment excitées et hypnotisées présentent les mêmes caractères. Elles deviennent un troupeau mobile obéissant à toutes les impulsions. La description suivante de l’assemblée de 1848, due à un parlementaire dont on ne suspectera pas la foi démocratique, M. Spuller, et que je reproduis d’après la Revue littéraire, est bien typique. On y retrouve tous les sentiments exagérés que j’ai décrits dans les foules, et cette mobilité excessive qui permet de passer d’un instant à l’autre par la gamme des sentiments les plus contraires.

« Les divisions, les jalousies, les soupçons, et tour à tour la confiance aveugle et les espoirs illimités ont conduit le parti républicain à sa perte. Sa naïveté et sa candeur n’avaient d’égale que sa défiance universelle. Aucun sens