pays où la loi ne protège pas les filles abandonnées, le crime de celle qui se venge est plus utile que nuisible, en intimidant d’avance les futurs séducteurs.
Les jurys, comme toutes les foules, sont fort éblouis par le prestige, et le président des Glajeux fait justement remarquer que, très démocratiques dans leur composition, ils sont très aristocratiques dans leurs affections : « Le nom, la naissance, la grande fortune, la renommée, l’assistance d’un avocat illustre, les choses qui distinguent et les choses qui reluisent forment un appoint très considérable dans la main des accusés. »
Agir sur les sentiments des jurés, et, comme avec toutes les foules, raisonner fort peu, ou n’employer que des formes rudimentaires de raisonnement, doit être la préoccupation de tout bon avocat. Un avocat anglais célèbre par ses succès en cour d’assises a bien montré la façon d’agir.
« Il observait attentivement le jury tout en plaidant. C’est le moment favorable. Avec du flair et de l’habitude, l’avocat lit sur les physionomies l’effet de chaque phrase, de chaque mot, et il en tire ses conclusions. Il s’agit tout
être évidemment de protéger la société contre les criminels dangereux et non pas de la venger. Or nos codes, et surtout l’esprit de nos magistrats, sont tout imprégnés, encore de l’esprit de vengeance du vieux droit primitif, et le terme de vindicte (vindicta, vengeance) est encore d’un usage journalier. Nous avons la preuve de cette tendance des magistrats dans le refus de beaucoup d’entre eux d’appliquer l’excellente loi Bérenger, qui permet au condamné de ne subir sa peine que s’il récidive. Or, il n’est pas un magistrat qui puisse ignorer, car la statistique le prouve, que l’application d’une première peine crée infailliblement la récidive. Quand les juges relâchent un condamné, il leur semble toujours que la société n’a pas été vengée. Plutôt que de ne la pas venger, ils préfèrent créer un récidiviste dangereux.