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PSYCHOLOGIE DES FOULES

foule toutes les émotions sont très rapidement contagieuses, et c’est ce qui explique la soudaineté des paniques. Les désordres cérébraux, comme la folie, sont eux-mêmes contagieux. On sait combien est fréquente l’aliénation chez les médecins aliénistes. On a même cité récemment des formes de folie, l’agoraphobie par exemple, communiquées de l’homme aux animaux.

La contagion n’exige pas la présence simultanée d’individus sur un seul point ; elle peut se faire à distance sous l’influence de certains événements qui orientent tous les esprits dans le même sens et leur donnent les caractères spéciaux aux foules, surtout quand les esprits sont préparés par les facteurs lointains que j’ai étudiés plus haut. C’est ainsi par exemple que l’explosion révolutionnaire de 1848, partie de Paris, s’étendit brusquement à une grande partie de l’Europe et ébranla plusieurs monarchies.

L’imitation, à laquelle on a attribué tant d’influence dans les phénomènes sociaux, n’est en réalité qu’un simple effet de la contagion. Ayant montré ailleurs son influence je me bornerai à reproduire ce que j’en disais il y a plus de vingt ans et qui depuis a été développé par d’autres écrivains dans des publications récentes  :

« Semblable aux animaux, l’homme est naturellement imitatif. L’imitation est un besoin pour lui, à condition bien entendu, que cette imitation soit tout à fait facile. C’est ce besoin qui rend si puissante l’influence de ce que nous appelons la mode. Qu’il s’agisse d’opinions, d’idées, de manifestations littéraires, ou simplement de costumes, combien osent se soustraire à son empire ? Ce n’est pas avec des arguments, mais avec des modèles, qu’on guide les foules. À chaque époque il y a un petit