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Je ne sais pas d’ailleurs pourquoi on s’obstine à lui donner ce nom : il n’est ni secondaire, ni primaire, ni supérieur, il est tout et il n’est rien. C’est un fossile qui n’est plus de ce monde : il date de l’ancien régime et il a cessé de vivre depuis plus de trente ans[1].

La situation de l’enseignement classique est en ce moment exactement celle-ci : cet enseignement miné, menacé de tous les côtés, n’inspirant plus la même confiance qu’autrefois, tendrait de plus en plus à devenir une sorte de spécialité, en sorte que le latin et le grec seraient enseignés à peu près comme l’hébreu et le sanscrit, réservés à quelques mandarins et par conséquent n’ayant plus aucune part à la formation générale de l’esprit, de l’intelligence et du caractère français[2].

On doit reconnaître que notre enseignement actuel n’est pas suffisamment approprié aux besoins de notre époque. Il est, en partie la cause de l’infériorité économique dans laquelle se trouve aujourd’hui la France, infériorité relative sans doute, mais très affligeante, quand on compare le développement si lent de notre industrie et de notre commerce avec les progrès considérables que font les peuples voisins, les Allemands surtout[3].

Je n’hésite pas à vous le dire tout crûment, je crois que l’enseignement classique actuel ne répond plus aux besoins ; ceux qui le donnent n’y croient guère plus que ceux qui le reçoivent[4].

Je vous dirai ma pensée avec une très grande franchise : je suis convaincu que, en tant que formant la base de l’éducation secondaire générale, l’enseignement classique est destiné tôt ou tard à disparaître, à faire place à un enseignement nouveau ; je crois que c’est un fait qui appartient à l’évolution de la civilisation moderne[5].

  1. Enquête, t. I, p. 293. Bérard, maître de conférences à la Sorbonne, examinateur à l’ÉcoIe Navale.
  2. Enquête, t. I, p. 170. René Doumic, professeur à Stanislas.
  3. Enquête, t. II, p. 438. Blondel, professeur de faculté.
  4. Enquête, t. I, p. 367. Brunot, maître de conférences à la Sorbonne.
  5. Enquête, t. I, p. 82. Gaston Paris, de l’Institut.