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Les résultats de l’enseignement des mathématiques au lycée ne sont pas supérieurs aux résultats fournis par l’enseignement des autres sciences.

Ce qui est très frappant, c’est que, de tous les élèves de rhétorique qui ont fait cependant pas mal de mathématiques, bien peu seraient capables de passer le brevet élémentaire à l’Hôtel de Ville[1].

Pour juger de la valeur des méthodes universitaires et des résultats qu’elles produisent même sur l’élite des élèves, on ne saurait trop méditer la déposition suivante de M. Buquet, directeur de l’École Centrale, dont l’examen d’entrée est à peine inférieur à celui de l’École Polytechnique.

Nous sommes très préoccupés de constater parmi les jeunes gens qui nous arrivent de très bons sujets présentés par les professeurs de lycées comme étant des premiers de leur classe ayant obtenu des accessits de concours général, sachant admirablement l’analyse, qui couvrent un tableau de formules sans s’arrêter, mais ne sachant absolument pas, quand ils arrivent à la fin, ce qu’ils ont voulu faire et trouver. Ils ne comprennent rien sinon qu’ils ont résolu une équation.

Si, à des jeunes gens très forts qui emploient très bien les formules et l’analyse au tableau, on propose de mettre à la place de A des kilos et à la place de B des kilomètres, ils se dérobent : on ne trouve plus personne : ils ne comprennent plus.

De là cette opinion parmi eux : c’est que le professeur dont on ne comprend pas bien le cours est un grand homme ; on est dans ces idées-là. Moins on comprend ce qu’il indique, plus on croit qu’il est supérieur aux autres.

Tant qu’on reste dans des questions d’examen oral, les jeunes gens répondent bien. Si nous leur donnons une composition écrite, un problème comportant une application des sujets de cours, 75 % ne comprennent pas ce problème.

Il est vraiment déplorable de voir des jeunes gens de vingt ans arriver à l’École après avoir travaillé et être incapables de comprendre ce qu’ils ont cherché et voulu après plusieurs lignes de formules. Nous avons toutes les peines du monde à leur faire comprendre que les cours pratiques que nous leur faisons

  1. Enquête, t. II, p. 7. Beck, directeur de l’École Alsacienne.