Les maîtres de notre temps n’ont recours qu’aux exercices de la mémoire. De là ces programmes surchargés où l’on inscrit constamment des sciences nouvelles, où l’hygiène, le droit, la paléontologie, l’archéologie, l’anthropologie ont leur place à côté des langues mortes, des langues vivantes, des mathématiques, de l’histoire, de la géographie, etc.
On est tombé dans l’erreur de croire qu’on allait ainsi atteindre le sérieux et le profond ; on n’a rencontré que le superficiel. On s’est dit que l’enfant devait avoir cet ensemble de connaissances énormes a son entrée dans le monde : il ne sait plus rien[1].
Il ne sait plus rien dans aucune branche des connaissances. Les dépositions de l’enquête vont nous le prouver. Elles se ressemblent tellement qu’il suffira d’en choisir quelques-unes relatives aux divers sujets enseignés par l’Université.
L’enquête nous apprend, que les neuf dixièmes des élèves sont incapables, après sept à huit ans d’études, de traduire à livre ouvert l’auteur le plus facile, dans l’impossibilité, par conséquent, de lire les écrivains latins. Inutile donc de disserter sur la vertu éducatrice d’une langue que l’Université est incapable d’enseigner. Sur ce point de l’ignorance totale de l’immense majorité des élèves, les déclarations ont été à peu près unanimes. Je me bornerai à donner la déposition de M. Andler, maître de conférences à la Sorbonne, qui les résume fort bien.
… Le latin appris à fond n’est propre qu’à former des professeurs de rhétorique ; appris médiocrement, comme aujourd’hui, il n’est plus qu’un signe extérieur à quoi se reconnaît
- ↑ Enquête, t. II, p. 545. Hanotaux, ancien ministre, ancien professeur à l’École des Hautes-Études.