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d’après leurs travaux personnels et leurs succès dans l’enseignement libre, par lequel ils doivent le plus souvent débuter. En France, on les juge par l’amas de choses qu’ils peuvent réciter dans un concours. Et, comme le nombre des candidats est considérable, et celui des places fort petit, on raffine encore dans ce sens, pour en éliminer davantage. Celui qui saura répéter sans broncher le plus de formules, qui aura entassé dans sa tête la plus grande somme possible de puériles chinoiseries, de subtilités scientifiques ou grammaticales, l’emportera sûrement sur ses rivaux. Tout récemment encore, un des examinateurs des derniers concours d’agrégation, M. Jullian, faisait remarquer, dans une des séances du Conseil supérieur de l’Instruction publique, que le jury était effrayé « de l’effort de mémoire imposé aux candidats. Il pense que si la mémoire est un admirable instrument de travail, elle n’est qu’un instrument au service de ces qualités maîtresses du professeur, qui sont l’esprit critique, la logique et la méthode, la mesure et le tact, la pénétration, l’inspiration et l’ampleur des vues, la simplicité et la clarté dans l’exposition, la correction et la vivacité de la parole. »

Il avait certes raison de se livrer à des réflexions semblables, le respectable jury, mais de là à un effet quelconque il y a loin, et pendant longtemps encore, avec le régime des concours, la mémoire constituera la seule qualité utile à un candidat. Il se gardera soigneusement — en eût-il même le temps et la capacité — de tout travail un peu personnel, sachant bien qu’à tous les degrés, rien n’est plus mal vu de la part des examinateurs