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L’Annamite, comme tout autre peuple, transforme, défigure toutes les idées étrangères pour les adapter à sa mentalité ; c’est une vérité que nous ne concevons aisément que lorsqu’il ne s’agit pas de nos propres idées. Nous admettons bien que l’Annamite ait pu déformer jusqu’à la rendre méconnaissable la doctrine bouddhique importée chez lui il y a plusieurs siècles ; mais nous ne voulons pas convenir qu’il ne puisse s’assimiler les idées d’égalité, de liberté, de solidarité que nous avons, nous-mêmes, acquises depuis un siècle à peine.

Il serait intéressant, mais trop long, de montrer ici comment toutes ces idées se sont trouvées faussées dès qu’on a voulu les introduire en Annam. Notre culture intellectuelle ne convient en rien à la mentalité annamite ; elle ne donnera jamais que des produits anormaux, parfois monstrueux ; nos théories transplantées en Extrême-Orient ne pourront qu’y apporter tôt ou tard le trouble et la désorganisation.

On s’en est déjà rendu compte et on a dû enrayer le mouvement commencé. On a notamment supprimé l’Université indochinoise créée en 1906 qui comprenait diverses écoles supérieures de droit et d’administration de sciences, de lettres, etc., et dont le but était « de répandre en Extrême-Orient, surtout par l’intermédiaire de la langue française, la connaissance des sciences et des méthodes européennes ». Tout comme aux Indes, l’université indigène ne nous eût donné que des déclassés, des exaltés, des individus dangereux pour nous et pour leurs compatriotes. Notre colonie avait vite d’ailleurs éprouvé les premiers symptômes de cette malsaine effervescence des esprits !